Sunday, April 24, 2011

Soldat, moi?


Qu'ils tremblent les ennemis d'un peuple où chaque femme est un soldat de la patrie!

Chaque fois que je passe par 21 et Paseo cela me remue les tripes. Je traverse l'Avenue et je ne peux pas éviter de lire l'énorme affiche qui illustre ce post. Signée par la FMC, elle considère comme convenu que, moi, et toutes les femmes de cette île, sommes une espèce d'armée disposée à faire feu contre l'ennemi. Je ne suis même pas un soldat de mes propres causes, comment pourrais-je être celui des causes de la Fédération des Femmes Cubaines?


Cela me gêne énormément que les multiples organisations de masse, qui hypothétiquement représentent les différents groupes de cubains, se sentent en droit de parler au nom de tous, de voler les voix des individus pour les transformer en voix unique d'un appareil de contrôle. Pourquoi nous incitent-ils à un militantisme dont nous n'avons pas besoin ? Qui a dit que je ne suis pas une civile à outrance ? Depuis quand, nous, les femmes cubaines, formons un bataillon pour la défense de la patrie?


Traducteur: Catherine F.

Publié en espagnol le 19 avril 2011

Thursday, April 21, 2011

Le samedi



Depuis vendredi 8 avril le ciel nous annonce que la marche s'approche. Sous le précieux bleu, des avions de guerre essayent - nous ne savons pas bien comment ni pourquoi - de piquer vers la terre; nous nous sommes couvert les oreilles pour ne pas entendre le vacarme. Mes chiens ont perdu le sommeil, le mâle abboie désespérement au plafond et la femelle se cache sous le sofa. Je voudrais pouvoir leur expliquer que ce n'est rien de plus qu'un écran de vanité militaire dans un pays qui est fatigué de répéter au monde qu'il condamne la guerre. Je sors dans la rue et suis surprise de voir passer quelques chars devant mes yeux. Je traverse l'avenue 26 et respire profondément, c'est un fait: cette île est gouvernée par des fous. La circulation est détournée et les voitures perdues entre les rues forment un chaos. Je passe quinze minutes à essayer de traverser Paseo.

Cela fais dix jours que je vis en compte a rebours: plus que sept, plus que cinq, plus que finalement deux aujourd'hui. Je n'ai jamais été si désespérée par l'arrivée du dimanche. Dès vendredi, tout sera paralysé, les écoles, les commerces, la ville. Avec tant de besoin et tant de crise je me demande à combien de zéros se monte la note de frais de la mega marche pour le cinquantième anniversaire de la baie des Cochons.

Ils disent que nous, cubains, sommes paranoïaques et, sincèrement, si nous ne l'étions pas bien mal serions-nous, parce qu'il n'y a rien qui donne plus le frisson que de se montrer au balcon et voir à un peloton de soldats crier des gros mots et donner des coups de pied au sol, ni plus sombre qu'une armée mobilisée en temps de paix, ni plus irrationnelle de sortir les hommes de leur travail pour mobiliser plusieurs fois par an les réserves. Rien de plus triste que cette semaine, qui nous rappelle sans piété que ce n'est pas la guerre de tout le peuple, mais la guerre contre tout le peuple.

Traducteur: Catherine F.

Publié en espagnol le 15 avril 2011

Sunday, April 17, 2011

Le problème est culturel



Je me lève le matin et m'offre mon bain d'irréalité devant le téléviseur avec les premières nouvelles. Dans la Revue du Matin, le premier journaliste du jour, ne perd pas la piste du surréalisme. De même, tu écoutes une réflexion intitulée “Los zapaticos me aprietan” "Les zapaticos me serrent" (je suis réellement intriguée, pour sur, par l'idée fixe qu'a développée Fidel Castro avec Obama, cela fait des mois qu'il lui consacre toutes ses réflexions), une notice sur un concours d'arts plastiques appelé "Amiguitos des FAR". Ils sont ineffables les sentiments qu'à sept heures et demie du matin l'un peut expérimenter après avoir vu la télévision cubaine.

L'autre jour, ils ont passés un petit rapport sur la normalisation des produits qui sont offerts en pesos cubains. Une voix off montrait des entreprises et essayait de nous convaincre que le pays avait fait des efforts pour améliorer la qualité des productions et que cela pouvait être vérifié dans plusieurs offres du marché. Cela a duré quelques minutes et l'objectif était d'introduire une interview avec un spécialiste sur le sujet. Dès le programme terminé - dont l'objectif était de démontrer la très grande qualité de nos produits qui de plus souffraient de la pression de la norme internationale imposée par l'occident (un rendez-vous textuel) - le spécialiste a dit : A Cuba on ne remplit pas la norme, le problème est culturel.

Je marchais d'un côté à l'autre avec ma tasse de café dans la main et n'ai pas pu éviter d'en verser un peu sur le sol. J'ai la coutume de parler au téléviseur, c'est une habitude que j'ai développée depuis l'adolescence. Je suppose que ça a été la manière que j'ai trouvée pour extérioriser mon mécontentement avec l'establishment du journalisme officiel : créer mon propre débat avec tout ce qui sortirait de l'écran. Comment culturel ? Me suis-je exclamée. Ni la politique gouvernementale d'étatisme économique, ni notre économie faite de miettes, ni la double monnaie sont responsables de la qualité incertaine du pain ou du savon, c'est la culture cubaine - selon un spécialiste des matières économiques – qui est responsable de ce mal.

Traducteur: Catherine F.

Publié en espagnol le 5 avril 2011

Thursday, April 14, 2011

Mes conclusions

Foto: Claudio Fuentes Madan


Nous avons subi presque un mois de feuilleton télévisé et à l'exception d'un épisode – celui de la guerre cybernétique - dans tous les autres un agent caché a été découvert. Celui de lundi, je n'ai pas pu le terminer, c'était trop. Ils m'ennuient infiniment. Cependant, cela vaut la peine d'analyser cette croisade médiatique de la sécurité de l'état contre la société civile. Je confesse que les motifs des actions des services secrets cubains me sont en général incompréhensibles - et ce ne sera pas la première fois que je reste comme une idiote devant l'objectif - et par dessus tout, les bénéfices que le feuilleton télévisé peut apporter au gouvernement.


Premièrement, il me paraît surprenant qu'ils aient décidé de mettre dans le même sac - c'est-à-dire d'avoir comme protagonistes - tant d'adversaires, d'activistes des droits de l'homme et bloggers tels que des écrivains, des peintres et des vendeurs d'antennes et de comptes illégaux d'Internet. Il en ressort qu'avant le feuilleton télévisé seulement les premiers étaient dissidents, après la quatrième saga ce n'est déjà plus si clair. La Sécurité d'État vient de lancer par les cieux le nombre d'anticonformistes en nous mélangeant tous dans une seule idée : la contre-révolution. Malheuresement, ils ne définissent jamais ce mot. Je suppose qu'un décodeur d'antennes paraboliques est resté bouche bée en face du téléviseur après avoir reçu la nouvelle qu'il est "officiellement" un dissident.

Il m'est difficile de comprendre les bénéfices qu'ont peut retirer de «Las Razones de Cuba » " Les Raisons de Cuba". Peut-être que la diffamation comme arme pour discréditer les figures les plus connues de la société civile ou la nécessité de créer un état d'opinion, plutôt-paranoïaque, par rapport à la capacité des «agents secrets» à se faufiler dans nos vies. Mais je continue de penser que les deux arguments restent insuffisants si nous les comparons aux désavantages: reconnaître que ce qu'ils nomment "contre-révolution" va au-delà de l'idéologie et s'est converti en réalité cubaine d'au jour le jour. Si avoir internet ou regarder la télévision de Miami est aussi risqué que d'appartenir à un parti d'opposition, il ne nous reste que peu d'options pour les citoyens.

Traducteur: Catherine F.

Publié en espagnol le 9 avril 2011

Sunday, April 3, 2011

L’héritage

photo: Claudio Fuentes Madan

La Havane dort depuis que je suis née. J'aime rester au bout de la rue 12 et voir la ligne tracée par la mer au loin. Presque tous mes amis vivent, ou prétendent vivre, de l'autre côté de cette ligne. Là où mes yeux ne peuvent pas arriver.

Je lis la "Couleur de l'Été" de Reinaldo Arenas et sens que je suis au-delà de la fiction. Je suis heureuse, d'une certaine façon, que Reinaldo n'ai pas vu son roman devenir réalité, avec cinquante-deux ans de révolution. Je suis une espèce de personnage après le Grand Carnaval. Nous sommes tous les survivants des pages qu'il n'a pas écrit, parce que cinquante était déjà pour lui un nombre assez grand, assez rond. Nous avons déjà perdu la notion des nombres entiers, la notion de tous les nombres.

Je vis la sensation de respirer un changement que, cependant, je ne peux pas deviner. Il me semble que je suis à la fin mais j'ouvre les yeux et en réalité ce n'est pas plus que le commencement. Les choses finissent, les êtres vieillissent, les villes changent et les idéologies meurent. Cependant, il y a des jours où je me lève avec l'impression de m'être éveillée le jour précédent.


Traducteur: Catherine F.


Publié en espagnol le 29 mars 2011


Saturday, April 2, 2011

Ma rencontre avec Jimmy Carter



La première fois que j'ai entendu Jimmy Carter, c'était en 2002. Mes souvenirs sont flous, mais sont restés gravés dans ma tête pendant un moment: son discours à l'Aula Magna de l'Université de La Havane. Même moi, je ris au souvenir de Hassan Perez, à ce moment ou il n'avait pas encore été évincé du pouvoir et chargé de la Ligue des jeunes communistes, lançant au président une supposée question à la cadence d'une mitraillette et pendant approximativement trois minutes. Avec douceur Carter lui demanda de la répéter, désolé de ne pas avoir compris. Ce jour a été historique pour les Cubains, au beau milieu de la télévision cubaine, nous avons su que le projet Varela existait, et qu'Oswaldo Payá avait atteint les onze mille signatures nécessaires pour modifier la Constitution cubaine. Le Projet Varela a été ignoré et vilipendé par le gouvernement, la Constitution a été changé pour le pire et est arrivé le Printemps noir. J'avais vingt ans.

Hier, à l'Hôtel Santa Isabel, j'ai eu l'honneur de rencontrer Jimmy Carter, de l'écouter et qu'il m'écoute. Et j'ai eu l'énorme satisfaction de partager une table avec beaucoup de ceux qui depuis des années, plus que mon âge, pousse pour changer les choses sur cette île fatiguée. Des hommes et des femmes qui ont passé leur vie à unir des grains de sable pour sauver la société civile, pour faire respecter les droits de l'homme, qui ont souffert de l'emprisonnement et qui ont sacrifié leurs rêves personnels dans la poursuite du rêve de toute une nation.

Je sais qu'entre les mains de Jimmy Carter il n'y a pas toutes les solutions de Cuba. Je sais que malgré tout ceux qui sur le chemin ont donné leur âme pour cette terre, nous sommes encore coincés dans une étrange «révolution» d'un demi-siècle. Mais des réunions comme celle d'aujourd'hui me rappelle que, peu importe combien de temps il faut pour y arriver, à la fin du chemin il y a la lumière.

Traducteur: Catherine F.


Publié en espagnol le 31 mars 2011

Friday, April 1, 2011

Révolutions



J'ai récemment traduit pour mon propre usage une interview que le journal français « Le Temps » a fait avec Michael Parmly. J'étais intéressée, surtout, à mettre à disposition l'avis de l'homme qui avait signé presque tous les câbles envoyés de la Section d'Intérêt des Etats-Unis à La Havane, et qui ont été divulgués à Wikileaks. Nous courons tous après ces câbles. Même l'émission de la télévision Table ronde a diffusé un documentaire sur Julian Assange et le phénomène «Wikileaks". La controverse est énorme et je l'avoue, à mon grand regret, que mon point de vue sur le sujet est encore hésitant. Ainsi, je n'ai pas écrit à ce sujet, mais, voyant que le temps passe et que je ne suis pas sur le point d'offrir un avis spécifique, je vais me jeter, comme on dit ici - sur le bus en mouvement - et écrire un post rempli de doutes, et d'espoir également, bien sûr.

Je comprends très bien les appréhensions de Michael Parmly, les préoccupations de l'ancien chef de section, que ses sources soient identifiés. Je suis aussi très anxieuse à ce sujet. Quand je lis les câbles sur la dissidence interne et peux identifier, malgré les X, les noms auxquels il fait allusion, je sais que la Sécurité d'État cubaine les reconnaît également. Malheureusement, ce ne sont pas les noms de représentants du gouvernement cubain, mais ceux de simples citoyens cubains qui osent défier un système qui n'accepte aucune critique ou opposition. Indubitablement, les câbles, où les représentants de la société civile peuvent être reconnus, constituent une menace pour la liberté et le travail de ces personnes. Pour ma part, je refuse de classer ce risque comme « dégât mineur » comme l'appellent certains amis. Je pense que Wikileaks a le devoir de parfaire son travail d'édition afin de garantir aux sources la protection qu'ils méritent.

Cependant, rendons à César ce qui est à César. Lorsque d'autres amis me disent que Julian Assange et son équipe ne sont pas des journalistes, cela démontre que le concept de «journalisme» devient obsolète face aux nouvelles technologies. Wikileaks est venu pour nous prouver que le droit à l'information n'est pas simplement une utopie, et établit sans nul doute une base à la fois pour la diplomatie et pour les médias d'information traditionnels. Il me semble qu'il n'y a guère de sens à nier la réalité: Wikileaks existe. Nous devons vivre avec et apprendre de lui. Il est, en fait, le pouvoir citoyen auquel j'aspire: j'ai le droit de savoir ce que les politiciens au dessus de ma tête ont l'intention de faire avec mon avenir.

Publié en espagnol le 27 janvier 2011.

Les faux-pas de la princesse



Ce n’est pas la première fois que je ressens l’envie de dire à Mariela Castro qu’elle aurait dû se taire. Chez moi, c’est une réaction assez surprenante car normalement je dis et j’exhorte les autres à exprimer ce qui leur passe par la tête. Pourtant, avec elle, ça m’est difficile, et c’est parce qu’il existe quelque chose qui s’appelle la pudeur et qui pour ceux qui, comme elle, sont des personnages publics de la politique, est indispensable.

La première fois ce fut quand elle a appelé Yoani Sánchez « petite prétentieuse insignifiante ». C’est assez honteux qu’un politique insulte une journaliste pour une question dérangeante, mais que la fille de l’héritier traite d’insignifiante une citoyenne cubaine fut, sans aucun doute, le comble du cynisme atteint par la nomenklatura. Il faut préciser pourtant que la question de l’auteure de Generation Y fut loin d’être aussi dérangeante qu’elle aurait pu être et que la sur réaction de Mariela est la preuve de l’allergie que lui cause la liberté de la presse. À mon avis, une question vraiment dure aurait été, par exemple, demander pourquoi le CENESEX ne présente pas devant le gouvernement une plainte en faveur des homosexuels qui ont subi la répression et les vexations dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt et qui méritent une indemnisation et des excuses officielles. Dans ce cas, je crois qu’à notre princesse, ça lui aurait causé un infarctus.

Maintenant, le CENESEX a en première page cette déclaration. Elle me rappelle une blague populaire: La période spéciale ne me fait ni bien ni mal, mais tout le contraire. Il en résulte que Cuba a l’exclusivité d’être le seul pays d’Amérique qui « se joint au vote des pays qui considèrent l'homosexualité comme un délit dans le cadre de leur législation, incluant l’application de la peine capitale pour ce motif, pour cinq d’entre eux ».Le CENESEX, il faut le préciser, est la seule institution reconnue par le gouvernement qui est supposée représenter les droits des homosexuels. Quelle impudeur, messieurs, de lire une telle phrase sur la page du « Centre National d’Éducation Sexuelle, et signé de sa directrice !

Publié en espagnol le 30 novembre 2010