Saturday, May 29, 2010
Sans photo de R
Photo: Orlando Luis Pardo Lazo
Ce poste ne contient pas l'image de R parce que je n'avais pas le cœur de lui demander de me laisser photographier le trou de la piqure sur sa fesse. Il était environ deux heures du matin samedi et Ciro, un journaliste et moi-même étions chez Juan Juan lorsque l'appel est arrivé.
R criait de l'autre côté du téléphone, on pouvait entendre ses sanglots et les mots "sang" et "ils m'ont piqué", elle était juste à un pâté de maison du magasin "La Mariposa" à Nuevo Vedado, au coin de la rue de sa propre maison. Les hommes sont allés la chercher avec la voiture de Juan Juan. Quelques minutes plus tard, j'avais en face de moi une femme avec le visage couvert de sang, la bouche tuméfiée et un trou avec une auréole rouge dans son pantalon, là où on avait fait les injections: on lui avait pris le téléphone portable, donné des coups de pied et pour finir un hurlement "pique-le, pique-le plus!", ce qui heureusement n'a pas été le cas ou elle ne s'en serait pas sortie vivante. Je l'ai aidé à se doucher pendant qu'elle ne faisait que répéter "ils étaient des enfants, de l'âge de mon fils", et tremblait comme une feuille.
- Nous devons aller à l'hôpital parce que la blessure doit être cousue, après tu te reposes.
À la clinique chirurgicale, le chirurgien de garde, que nous avons réveillé, demanda:
- Qu'est-il arrivé?
- On l'a agressé, on l'a piqué, - lui ai-je dis- puis le vrai surréalisme a commencé:
Il s'est assis à un bureau, a sorti un formulaire et un stylo, a regardé R et sans transition entre le trou de sa fesse et sa routine de l'amygdalite, il s'est disposé à remplir un formulaire:
- Prénom? Nom de famille? Âge? Municipalité?.
Pendant qu'il essayait de faire écrire son stylo, j'ai tué un petit cafard qui déambulait avec satisfaction sur le tableau et contournait le formulaire sans difficulté. Quand il eut fini avec les formalités, il a jeté un coup d'oeil -j'ai pensé pour un instant qu'il ne le ferais jamais- sur la plaie.
- Un point de couture et c'est bon, calmez-vous.
Nous sommes allés faire le point. Le médecin me regardait comme si j'étais complètement hors de ma tête quand j'ai commencé à chasser les mouches de l'infirmerie: lui qui partage un bureau et écrit avec des cafards doit penser que je suis un maniaque de la propreté. R s'est allongé -je ne donnerai pas de détails sur le brancard- et le médecin a préparé le fil à coudre. Une seconde avant de voir l'aiguille dans la peau j'ai demandé:
- N'y a t-il pas d'anesthésie?
- Il ne s'agit que de deux points, ce n'est pas nécessaire.
- Les points font mal.
Juan Juan, debout à côté de moi, blanche comme le lait et avec des sueurs froides, intervint:
- Mais si on vient de lui donner des coups de pied. N'y a t-il pas d'anesthésie?.
Dieu merci, il y en avait et on lui en donné, parce que les "deux petits points" ont pris quinze minutes pour être faits et R n'était pas capable de supporter davantage de douleur. À un certain moment, tout cela était trop intense pour moi et j'ai eu envie de vomir: les mouches, le sang, la chaleur. Je suis sortie pour prendre l'air.
- Qu'est-ce que c'est que ce liquide?- s'écria Juan Juan presque à la fin; à ce moment-là j'étais à nouveau entrain de dramatiser avec les mouches, que je poursuivais avec fureur.
- De l'iode, le meilleur désinfectant du monde.
- Heureusement, je ne suis pas allergique, a lâché R, et j'ai dû sourire, sinon, j'aurais pu défaillir.
Traducteur: Denis
Thursday, May 27, 2010
L'état irrationnel
A ce stade, qui se souvient des vents de changements politiques et économiques que beaucoup ont vu dans le nouveau, mais presque octogénaire, président? Loin des réformes attendues, nous est arrivé un prisonnier d'opinion mort d'une grève de la faim, un Guillermo Fariñas intransigeant dans ses idéaux et disposé à suivre les pas de Zapata Tamayo; une augmentation significative des actes de violence par la police politique contre les Dames Blanches; et la répudiation logique de l'opinion publique internationale, que les médias officiels s'entêtent à appeler "campagne médiatique contre Cuba."
Je n'ai pas d'espoir dans les bonnes actions d'un État dont le simple fait d'exister encore démontre le totalitarisme qui le soutient. Toutefois, bien que la médiation de l'Eglise ne donne pas de fruits ou de libertés, je suis heureuse que les représentants de la foi catholique de mon pays aient pris position publiquement contre les abus commis en toute impunité par l'État cubain.
Ma conformité avec le dialogue, sans attendre les résultats, peut être un peu naïve, puisque l'objectif de ces négociations serait de trouver un juste milieu profitable aux deux adversaires (Raul Castro vs La Liberté), et bien évidemment ceux qui sont libres n'ont pas été invités à mettre leurs cartes sur la table. Au sein du Comité central du Parti, le dossier "cohérence politique" a été gardé sous clef depuis longtemps; j'espère que l'Eglise n'oubliera pas de considérer ce détail.
Traducteur: Denis
Tuesday, May 25, 2010
Un peuple des mineurs
Photo: Claudio Fuentes Madan
Je regarde avec aversion -à quoi cela sert-il de le nier-, le visage de Ramiro Valdés à la télévision. Cette fois, le sermon touche les travailleurs dans le secteur de la construction. Je fais à peine l'effort de l'écouter, chaque fois qu'il parle, c'est pour nous réprimander - lui et Machado Ventura se sont transformés, on pourrait dire, en nounous des citoyens cubains: ils ne donnent que des réprimandes, des punitions et des menaces.
La même vieille histoire, comme toujours: travailler plus, demander moins, ne se pas plaindre pour autant, être combatifs, s'acquitter des tâches de la Révolution, ne pas détourner les ressources, ne pas attendre de stimulations, faire confiance aux leaders des procès, être fidèle au parti ... ce sont les balivernes du père autoritaire envers ses enfants éternellement mineurs.
Ramiro ne se demande-t'il pas ce que les constructeurs mangeraient s'ils ne "détournaient" pas quelques briques pour les échanger sur le marché noir? Les dirigeants syndicaux, paraît-il, ferment les yeux là-dessus. Auraient-ils aussi besoin d'un salaire pour survivre? Pourquoi n'a-t-il pas le courage de passer le relais aux "méchants" pour qu'ils racontent leur version du paradis des ouvriers?
Au lieu de menacer de supprimer les stimulations et les avantages -qui ne font seulement fleurir que l'opportunisme et la double morale-, il devrait se demander pourquoi le salaire n'est pas une raison suffisante pour bien travailler, pour obtenir de meilleurs résultats, pour augmenter la production. Bien sûr, il le ferait s'il s'y intéressait vraiment, et si, en plus-, il ne confondait pas l'Union Nationale des Travailleurs de la Construction avec un jardin d'enfants.
Traducteur: Denis
Saturday, May 22, 2010
Sans le droit de montrer le visage
Il est devenu habituel de voir, dans le Journal de la télévision nationale, des groupes de gens qui manifestent dans diverses parties du monde. C'est une sorte d'ironie pour nous, les Cubains, de voir des secteurs d'une société spontanément mobilisés sur les nouvelles du seul système informatif auquel nous avons droit d'accès. C'est à la fois gratifiant: on sent qu'il y a des gens au-dehors qui mettent le pouvoir à sa place avec des actions civiles; et c'est triste: on prend conscience de la terrible solitude dans laquelle l'Etat nous a laissés, on est très petit par rapport au Tout omniprésent.
L'autre jour, ils montraient les images d'une manifestation d'immigrants aux États-Unis et certains des manifestants ont parlé devant les caméras. Une femme dans la quarantaine se plaignait: elle avait passé plusieurs années sur ce territoire et n'avait pas encore de papiers, et, si les services d'immigration la trouvaient, ils l'expulseraient dans son pays. Je regardais la télé et j'ai pensé -parfois mon île grandit dans mon esprit et j'oublie quel petit espace nous occupons dans le monde. Comment peut-elle dire cela devant les caméras? Maintenant, les agents auront son visage et vont aller la chercher n'importe où elle se cachera!
J'oubliais que les fonctionnaires de l'immigration, les forces de renseignement et de contre-espionnage, les lois, le gouvernement, les médias et les syndicats ne répondent pas tous à la même entité, et encore moins au même parti, et qu'en plus la police politique -béni liberté- n'existe pas. Dans mon pays, par exemple, le consulat cubain fait le travail de sape en Espagne et envoie des photos aux services secrets cubains et au ministère de l'intérieur pour qu'ils sachent "qui se comporte bien là-bas et qui ne le fait pas"; les gardes de sécurité reçoivent des ordres directes de la part de la Sécurité de l'Etat pour que certains citoyens "compliqués" ne puissent pas accéder à des institutions publiques; les journalistes officiels sont séparés de leur lieu de travail officiel pour publier sur des sites critiques à l'idéologie officielle; ceux qui osent donner des nouvelles sans demander l'autorisation peuvent un jour se réveiller avec une peine de vingt ans de prison et les opposants politiques doivent supporter sur leurs têtes la colère et la vengeance du Comité Central du Parti tout entier.
Je regarde les clandestins aux États-Unis, avec leurs pancartes et leurs yeux défiants et je ressens une légère jalousie, je sais que ma voisine n'oserait jamais dire face à la lentille ce que cette femme vient de crier au monde entier. Ma voisine n'a pas peur d'être expulsé du pays, elle a une carte d'identité personnelle, une adresse légale et un visage qui, cependant, ne montrerait de désaccord en aucune circonstance.
Traducteur: Denis
Friday, May 21, 2010
Que du Plaisir
Photo: Penúltimos Días
Un groupe de connaissances conversait sur les rassemblements de répudiation. Il y avait de tout: les radicaux, les modérés et les "ingénus", j'étais, -pas besoin de le dire-, dans le premier groupe. Une jeune fille racontait que quand elle allait aux marches, elle s'installait comme pour un pique-nique dans la première pelouse qu'elle trouvait, et qu'elle n'avait jamais hurlé un slogan. Un autre racontait qu'elle disait à son CDR (Comité de la Défense de la Révolution, dans le quartier) qu'elle devait participer aux marches du Premier Mai avec ses collègues de boulot tandis qu'aux derniers elle disait exactement le contraire. Un garçon a raconté comment il a quitté son ex-petite amie: elle l'avait appelé parce qu'elle ne pouvait pas le voir l'après-midi: elle avait été convoquée à un rassemblement de répudiation contre les Dames en Blanc et ne pouvait pas le manquer. Ils se sont disputés et la relation a pris fin avant l'appel téléphonique. Une autre, plus subtile, amateur de montage de photos numériques, donnait à son union syndicale une "parfaite" preuve de sa présence dans la marche en question.
A ce moment-là, l'une des personnes présentes a avoué avoir participé à un étrange rassemblement de répudiation contre l'ambassade tchèque. Elle a énuméré quelques-uns des slogans crié "Dehors les laquais", entre autres, et a conclu: «S'ils savaient le peu que nous sommes intéressés par les raisons pour le rassemblement, nous sommes là parce que nous n'avons pas le choix et entre la conga et le rythme nous nous amusons. »
J'ai failli m'évanouir devant une telle barbarie. Comment une personne peut-elle être aussi inconsciente? Est-ce comme cela que maintenant, une victime d'un rally dois voir les choses? Celle contre qui on crie des insultes, obscénités et, dans le meilleur des cas, des slogans politiques? Doit-elle "imaginer" que les cris ne sont pas ce qu'ils semblent être, mais une fête populaire d'étudiants, avec la matière grise flottant dans l'espace?
Son commentaire a coupé le sujet, pendant quelques secondes tout le monde la regardait abasourdi et quelqu'un a réussi à demander: « Qui se soucie que tu t'amuses au détriment de la honte des autres? » Mais elle ne comprenait pas: « Je ne sais pas, penses-tu que ça a dérangé les gens de l'ambassade? »
Nous avons tous trouvé une excuse pour partir. Je n'ai lui rien dis; peut-être qu'elle commencera à analyser les choses le jour où son cri sera étranglée au moment qu;il sera dirigé vers mon visage.
Traducteur: Denis
Thursday, May 20, 2010
L'impunité du Vert
Mon amie était au volant et j'appréciait à son côté la rareté d'une promenade dans La Havane en voiture. La soirée tournait déjà au jaune et nous traversions 41 et 42, pour prendre l'Avenue 23, au quartier du Vedado. Soudain, une voiture Lada, pompeusement arrêtée au milieu de 41, nous barrait la route - à nous et aussi à ceux qui étaient derrière nous.
J'ai vu la main de mon amie s'approcher impulsivement du klaxon, en même temps que ses yeux, suivant des commandes plus rationnelles, se concentraient sur le matricule du "Seigneur de la rue". Seulement quelques secondes lui ont fallu pour que ses doigts glissent lentement, sans le moindre bruit, jusqu'à ses cuisses. Je lui ai dit ironiquement:
- L'impunité du Vert.
Mais elle m'a regardé avec des yeux si pleins de tristesse que mon sarcasme est devenu un acte de sadisme. J'ai eu de la peine.
Au ralenti, elle a déplacé le levier de vitesses pour mettre la marche-arrière. Parmi les "puaf, puaf, puaf" du pot d'échappement, nous avons changé de voie et, très lentement, sommes passées à côté du militaire qui n'a même pas réalisé qu'il y avait une file d'attente derrière lui et bavardait tranquillement.
Je n'ai pas réussi à voir son visage, mais la montre de son poignet éclairait, -comme la dent en or de Pedro Navaja dans la chanson de Rubén Blades-, toute l'avenue.
Note: La matricule verte appartient aux voitures du Ministère de l'Intérieur.
Traducteur: Denis
Saturday, May 15, 2010
Ma Vie Sans Sortie
Image: El Guamá
Ça fait six ans que j'ai pris la décision de ne pas partir et c'est juste aujourd'hui que je réfléchis calmement à cet instant. Ce n'était pas une décision patriotique, ni conformiste, ni lâche. Elle était plutôt totalement irrévérencieuse. Je n'arrive toujours pas à trouver une seule raison rationnelle pour justifier la phrase "je reste ici", que je la disais à tout le monde. On dit que l'on peut passer le reste de sa vie sans mesurer les conséquences de ses actes. Heureusement, j'ai toujours su que: ne pas partir impliquait rester sur le bateau brisé et à la dérive, et, en outre, assumer que je ne resterais pas silencieuse un seul instant pendant qu'il coule (j'ai toujours été un peu rebelle).
J'ai jeté un dé sur mon destin, et le numéro aléatoire ne m'a pas tourmenté: j'ai été heureuse. Lorsque j'ai rejeté ma possible vie "dehors", -quel intéressant syndrome que nous ont laissé la géographie et la révolution "nous à l'intérieur, le reste de l'univers "dehors"-, il ne me restait que peu d'options: j'aurais pu passer le reste de mes jours à monter les marches de l'opportunisme ou à remplir des papiers inutiles au Service de Paiement du Ministère de l'Éducation. Aucune ne me plaisait et j'ai fini par trouver la recette pour survivre l'Armageddon quotidien sans abîmer trop mon âme et je n'ai jamais plus pensé à partir.
Mais un jour, je ne me suis plus suffit de fermer mes fenêtres, de ma stratégie presque parfaite pour apparaître invisible, de ma grande joie de découvrir que mes voisins ne savaient pas si j'étais là ou pas, de mon monde à l'intérieur de la maison: mes proches n'arrivaient pas à me joindre, du boulot mal payé et, -le comble-, un tas de personnages sinistres ne cessaient de répéter sur ma tête que je faisais partie intégrante d'une révolution qui a été de plus en plus lourde et omniprésente. J'ai décidé de créer un blog car ma bulle se fissurait, et, ça aussi, je ne l'ai pas trop analysé non plus.
Aujourd'hui, je regarde mon refus du permis de sortie et ça me procure la paix: je ne suis pas blessée, je n'ai pas été surprise. Il s'agit de la longue ligne avec laquelle j'ai tracé mon chemin, c'est la certitude que je ne me suis pas trompé, c'est la preuve que le gouvernement cubain a pris la peine de me livrer pour que je sache que j'ai réussi, -en dépit de son Parti et de son Etat, de sa sécurité et de son impunité-, à vivre comme une femme libre.
Traducteur: Denis
Wednesday, May 12, 2010
Confessions Au Sujet d'un Utopique
5 Mai
J'ai passé ces derniers jours à faire les démarches pour pouvoir aller en Allemagne, ayant été invité à participer à une réunion avec des blogueurs du monde entier. J'ai hésité entre faire ou ne pas faire un commentaire sur le blog avant de terminer toute la paperasse, mes amis m'ont convaincu et, enfin, aujourd'hui, après presque un mois et demi, je publie cet article avec la sensation de prendre une douche froide à quarante degrés.
Écrire sur mon séjour au Noveno Cerco (Neuvième Bouclage), -les lecteurs de l'extérieur peuvent déjà l'imaginer- qui est, l'ignoble, l'obscure, le sale et l'absolument indescriptible Bureau de l'Immigration et des Étrangers de la Municipalité Plaza, me procure un immense soulagement. C'est précisément à cet endroit désagréable - dont le nom exclut mon existence puisque je ne fais pas partie des étrangers et ne suis pas en train de faire de démarches d'immigration – que j'ai passé, mardi dernier, huit heures de ma belle vie à faire la queue pour être interrogé au sujet de mon voyage, ma famille, mon mari, mes études et même la façon avec laquelle je me connecte à l'Internet.
Le nombre d'heures peut apparaitre excessif, c'est pourquoi je raconterais en détail ce qui c'est passé de huit heures et demie quand je suis entrée dans la maison délabrée de la rue 17, entre J et K, jusqu'à seize heures quand je suis finalement sortie avec migraine, miction, faim, soif, sommeil, coup de soleil et une envie terrible d'envoyer tout et tous en enfer et aller dormir pour un mois.
Messieurs, je vous le jure: un jour à solliciter un permis pour sortir du pays, enlève l'envie de voyager à n'importe qui.
Je le raconte depuis le début: alors que le soleil n'avait pas encore mis le feu au patio, je suis venue par la porte de derrière de l'Immigration - J'avais déjà passé cette porte quelques semaines plus tôt, non sans certaines difficultés: pour faire« la demande » pour le passeport. Il faut faire chaque demande chacune à son tour. J'ai donc donné ma carte d'identité. J'étais presque la dernière car à ce moment-là j'ai appris que la queue avait commencé à quatre heures du matin. Heureusement, une divine surprise m'attendait: une vieille amie, juste devant moi, m'a annoncée qu'elle aussi "faisait la demande", de sorte que nous pourrions mutuellement nous tenir compagnie.
Avant neuf heures et demie ils avaient déjà tous les papiers: passeport, carte d'identité, lettre d'invitation de l'étranger et le bon, je ferais mieux de l'appeler le SUPER-Bon - de 150 CUC (payés à l'avance, avec ou sans permis de sortie et remboursés au cas ou celui-ci serait refusé). Comme il n'y a aucune affiche informative, à l'exception de celle concernant le A-H1N1 -et un journal mural sur les Cinq Héros qui ferait vomir Edvard Munch-, il manquait un document à beaucoup de ceux qui venaient, ou ne savaient pas que l'on n'acceptait pas les documents après neuf heures du matin, ou n'avaient pas le SUPER-Bon (une infortunée avait la quittance mais pas le SUPER-Bon, que mystérieusement on ne lui avait pas fourni à la banque). Le plus déprimant était de voir les personnes âgées, la canne dans une main et les papiers dans l'autre, confuses, déconcertées par la bureaucratie et la circulation des personnes d'un endroit à l'autre.
À onze heures du matin, j'ai découvert que les toilettes étaient fermées: -le public les avait mis hors service- a signalé l'une des officières en vert. À midi, les employés sont allés déjeuner jusqu'à une heure et demie, mais une officière est restée travailler, donc je n'ai pas bougé, à cause de ce maudit sentiment: "on va m'appeler maintenant et je ne serais pas là". À deux heures de l'après-midi, le soleil était tellement fort que j'ai dû arrêter de m'éventer pour me couvrir les yeux avec l'éventail. À deux heures et demie, je me suis presque fait pipi dessus et j'ai dû sortir pour chercher des toilettes. À trois heures, devant moi, une dame diabétique a dit: "Je ne peux pas continuer sans eau comme ça". À trois heures et demi, la jeune fille qui attendait depuis quatre heures du matin eut une crise d'hystérie et elle est partie. Heureusement, elle est revenu peu après. On m'a appelé à presque quatre heures.
Une militaire très jeune, avec collier, boucles d'oreilles et bague en or, ainsi que des faux ongles d'un mètre et demi de long, s'est occupée de moi. Elle m'a demandé à plusieurs reprises la même chose sur mes études et a finalement écrit dans mon dossier: "Elle a recu une formation pour donner des cours". Après cela, elle est devenue obsédé par cette affaire de "L'amitié par l'Internet":
- J'ai beaucoup d'amis sur Internet.
- Comment est-ce que tu te connectes à l'Internet?
- La plupart du temps depuis des hôtels.
- Depuis quels hôtels?
- Sur tout depuis le "Cohiba" et le "Parque Central".
- Cette information sera vérifiée, si tu nous caches quelque chose on te refusera le permis de sortie.
J'ai esquissé un sourire. Comment vont-ils savoir si je me connecte depuis un hôtel ou si j'ai des amis sur Internet? On ne m'a jamais demandé la carte d'identité pour acheter des heures de connexion et, en ce qui concerne ma correspondance privée, à moins qu'ils "hackent" mon e-mail personnel, je ne vois pas d'autre moyen de vérifier quoi que ce soit.
Puis elle s'est renseignée par rapport à ma mère, à mon père, à mon mari et j'ai eu l'impression pour un instant que mes chiens Anastasia et Wicho allés ressurgir dans ses questions.
En conclusion elle a déclaré:
- Viens dans vingt jours pour voir si on t'accorde le permis de sortie.
- Mademoiselle, dans les vingt jours mon visa aura expiré.
- Les informations doivent être vérifiées et ça prends du temps, attends ici.
Elle s'est absentée et revenue après un moment:
- Viens le vendredi prochain pour voir si le permis est prêt.
En sortant, j'ai regardé les visages que j'avais vu se décomposer peu à peu durant toute la journée. J'aurais voulu leur dire "au revoir et bonne chance" à chacun, mais j'étais détruite. Je n'ai même pas regardé la jeune fille de quatre heures du matin, j'avais honte d'avoir été appelée avant elle. Quelques gouttes d'eau sont tombées soudainement, des gouttes très épaisses et mais seulement quelques-unes. Mon amie m'a demandé:
- Pourquoi es-tu restés si longtemps là-dedans?
- Je ne sais pas, merci de m'attendre, allons-y -et je lui ai pris le bras pour rentrer "sans demander le permis" dans la bruine.
Vendredi 7 mai
Après une heure, j'ai appris que je devais revenir le mercredi suivant. Est-ce une coïncidence que ça corresponde à la date de mon vol?
Mercredi 12 mai
À une heure et demi, je suis arrivée au Bureau de l'Immigration et des Étrangers, qui était comme d'habitude bondée de gens. Il était presque deux heures quand ils m'ont appelé -cette fois je ne peux pas vraiment me plaindre. Par contre, cette fois, la voix venait d'une porte éloignée et pas de l'endroit où moi et tout les autres qui attendions notre permis de sortie, avions auparavant laissés nos cartes d'identité.
Il y avait une certaine tension dans la queue quand j'ai entendu mon nom "Claudia Cadelo". Car je n'avais aucune idée d'où on m'appelait, j'ai posé la question:
- Où dois-je aller?
Quelqu'un m'a dit:
- Demande à cette porte, c'est celle qui correspond.
J'ai passé la tête et une militaire a braillé:
- Pourquoi ouvrez-vous sans frapper?
- Mais si, j'ai été appelé.
- Ah bon! Ton truc est de l'autre côté.
Je vais de l'autre côté et un homme me demande:
- Es-tu la blogueuse?
- Oui, - ai-je répondu avec un sourire et des nerfs à fleur de peau, car le climat était clairement "électrique".
On m'attendait à la porte, après tant de jours de malaise et de mauvais traitements, j'ai trouvé clairement "inhabituelle" cette sociabilité:
- S'il vous plait, rentrez ici. Pourriez-vous fermer le grillage lorsque vous entrez? Merci. Vous ne pouvez pas voyager pour le moment.
Je suis sortie et pouvais sentir la solidarité de tous ceux qui attendaient à l'extérieur d'être "appelés", le jeune homme qui m'avait demandé si j'étais la blogueuse m'a dit:
- J'habite en Espagne, je suis ton blog, ne te laisses pas te faire décourager que cela ne te supprime pas les forces.
- Cela n'arrivera pas, Merci.
Traducteur: Denis
Monday, May 10, 2010
Affaires de police
Il existe de petits espaces pour la catharsis citoyenne dans ma ville, ces sont des instants dont je jouis pleinement même s’ils sont peu nombreux. Ce peut être un arrêt de bus, une queue interminable pour une quelconque formalité bureaucratique et absurde, ou simplement un taxi à dix pesos.
La route Habana Vieja-Vedado-Playa est fameuse pour les difficultés et les retards des bus –bien sûr, jamais si impressionnant que celle du Vedado-Nuevo Vedado où attraper « quelque chose » est une agonie- c’est pour cela que la présence des taxis soulage largement l’inefficacité du transport public. Avec l’arrivée brutale de l’été il y a quelques jours, ceux qui essaient de se bouger nous nous énervons sous le soleil et l’attente devient insupportable. Quand tu n’en peux plus, tu tends la main et tu optes pour la voie privée, toujours plus efficace.
L’autre jour, j’étais en plein soleil sur la 23ème et je me suis décidée pour un taxi collectif. Dedans, c’était rempli et les gouttes de sueur nous courraient à tous sur la figure, et pourtant j’ai senti la bouffée de liberté dès que je suis entrée, la conversation était très animée et le thème : les abus policiers.
Le chauffeur narrait les péripéties subies par son épouse pendant douze heures dans les cachots de Zapata et C, elle avait été « capturée » par deux types en uniformes alors qu’elle se rendait à sa maison avec deux litres de yaourts, confisqués –un comble !- comme « marchandise de marché noir » durant sa détention. Une dame sur le siège arrière détaillait les conditions inhumaines de son séjour au poste de Zanja, elle était arrivé là pour détention illégale de quatre bouteilles d’eau de Javel et deux d’acide chlorhydrique. Un autre monsieur à côté de moi se plaignait, ils avaient saisi dans le Quartier Historique sa ration de pâte dentifrice et de cigarettes, qu’il essayait vainement de vendre.
Moi, pour ma part, je leur ai raconté comment une fois, alors que je profitais de la mer à Guanabo avec des amis, on nous avait volé toutes nos affaires, ne nous laissant que les maillots que nous avions sur nous. Nous allâmes porter plainte au poste de la Police Nationale Révolutionnaire et, comme nous n’avions pas nos cartes d’identité, nous fûmes détenus jusqu’à presque dix heures du soir.
Je suis arrivée toute légère à destination, la chaleur ne me dérangeait plus autant et je me suis délectée, du moins pendant quelques minutes, de la satisfaction ineffable qu’on ressent quand on dit bien haut ce qu’on pense.
Saturday, May 8, 2010
Wednesday, May 5, 2010
Etudier des langues à (l'école) Abraham-Lincoln
Il ya quelques années j'ai étudié le français à l'école Lincoln et j'ai dû passer un entretien. J'avais été prévenue que les questions seraient de l'ordre politique et j'avais préparé mes réponses. Je ne répéterai pas le paragraphe que j'ai récité, je vais juste dire que j'ai été scolarisée sans aucun problème.
Les années passent et on oublie ces choses, cette l'histoire se trouvait dans un coin de mon cerveau, jusqu'à il y a quelques jours, quand un ami m'a appelé et m'a raconté ses propres aventures pour pouvoir étudier l'anglais.
Il est arrivé que personne ne lui a dit qu'il y avait un entretien, et moins encore qu'il serait politique. Alors qu'il vint s'asseoir tranquillement devant le professeur correspondant:
- Bonjour.
- Bonjour. Pouvez-vous me dire le nom des cinq héros?
- Ehhhmmmm..., désolé, je ne le sais pas.
L'intervieweur fronça les sourcils et baissa le regard:
- Pouvez-vous me dire les points principaux de la Bataille des Idées?
- Non, je ne sais pas.
- Qu'est-ce que la guerre médiatique contre Cuba?
- Désolé, je ne sais pas de quoi vous me parlez.
Le professeur regarda du coin de l'oeil des deux côtés, vit que l'environnement était «propre» et dit:
- Mon fils, y at-il quelque chose de politique que vous connaissez?
- Oui, mais pas ce que vous me demandez.
- Ecoutez, vous ne pouvez pas vous inscrire comme ça: rentrez chez vous, préparez vous bien et rétournez ici.
Traducteur: Denis
Monday, May 3, 2010
La mort qui n'aurait jamais dû être
Texte: Ernesto Morales
Journaliste cubain basé à Bayamo
ernestomorales25@gmail.com
Les dernières images se sont éteintes sous une vision aérienne, vision d'une île qui marchait à côté du Malecón de La Havane, et je remarquais qu’à ce moment-là, mon humeur avait radicalement changé. Le Journal de la télévision nationale du lundi 1er mars s’en est chargée subitement. Dix minutes plus tôt, je vivais ma propre vie et pensais à mes propres morts. Mais après avoir vu la détresse dans les yeux de Reina Luisa Tamayo, une vieille dame à la peau foncée et aux paroles simples qui à cette seconde, j'en suis sûr, pleure encore ce qu'une mère ne devrait jamais pleurer -la mort de son fils- je ne pouvais pas être le même que quelques instants auparavant.
Si l’on doit remercier pour quelque chose les immorales caméras cachées qui, en violant n'importe quel précepte éthique et moral, ont filmé cette femme lors d'une consultation médicale ; montrant ses espoirs naïfs devant ces hommes en blouse blanche à qui elle a demandé de sauver son fils, c'est précisément pour cela: m'avoir montré son visage. Connaître ses caractéristiques pour confirmer ce que je supposais déjà: cette pauvre femme ne peut ni ne pourra jamais comprendre la mort de son fils Orlando Zapata Tamayo, le prisonnier d'opinion qui dans ma douloureuse Cuba a cessé de respirer le 23 février, après 86 jours de grève de la faim. Tout au plus, Reina Luisa connait la douleur et, dès cet instant, probablement la haine. Mais pas grand-chose sur l'idéologie ou la politique. Et elle ne pourra pas comprendre pourquoi elle va devoir couvrir de terre le corps abîmé de son fils parce que ni moi ni aucun des êtres civilisés qui montrons de l’orgueil pour notre espèce, comprenons la mort d'un cubain de 42 ans qui a agonisé, râlé, meurtrie son corps à force de jeûner, pour réclamer avec un courage épique, et pourquoi pas, un peu orthodoxe, ce qui avec simplicité il considérait comme étant ses droits inaliénables. En résumé, ce que nous considérions une prison digne.
Cette mort donne le vertige. Déconcertant. Cette mort qui n'aurait jamais dû être nous fait mal, à nous qui croyons au meilleur de l’être humain: non pas pour ses positions idéologiques mais pour ses sentiments. Cela m'amène à me questionner, inévitablement, sur cette Île que beaucoup habitent avec orgueil, d'autres avec douleur, et d'autres avec la certitude qu’elle est tout entière leur propriété privée. Je pense à la barbarie civilisée, et comment, au nom de causes prétendument justes, un gouvernement peut engendrer le pire à l'encontre de ceux pour qui il gouverne: la déshumanisation.
Quelqu'un m'a dit récemment: nous avons un pays malade. Et je dis: oui, malade d'apathie, de rancoeur, de sentiments dégradants. Un pays ne peut pas être en bonne santé quand sa Télévision nationale exhibe dans son Journal une telle ignominie, sans qu'après que des millions d'yeux l'aient regardé et des millions de cerveaux l'aient enregistré cela n'engendre pas des manifestations de protestation ni des mouvements importants qui remettent en question cette situation. Il faut demander de véritables explications pour ce qui n'est pas dit, pour ce qui a été caché intentionnellement. Je pense: l'auteur de ce reportage, le journaliste qui a prêté son intelligence à une telle infamie, qui vit dans ce pays qui est le nôtre, a sûrement une famille, peut-être même des enfants. Ce journaliste est malheureusement malade du mensonge. Était-ce une erreur répétée le fait qu'à chaque diffusion de ce reportage sur divers espaces d'information, l'on n'ait pas donné le crédit à son auteur? Ou bien cela a t-il été décidé, par mesure de précaution de dernière minute, d'occulter son identité derrière le paravent d'une voix off? Beaucoup l'ont identifié, ont supposé le nom d'une célèbre journaliste de télévision, mais elle, avec méfiance, a préféré le supprimer. Je me demande comment peut dormir en paix quelqu'un - qui devrait avoir foi en la recherche de la vérité, avoir l'objectivité comme mot d'ordre - après avoir manipulé d'une telle façon une affaire qui devrait provoquer chez nous tous, tout au moins, une vague de honte.
Orlando Zapata Tamayo a été arrêté lors du fameux Printemps Noir. Il ne figurait pas parmi les noms les plus médiatiques des 75 journalistes indépendants condamnés parce que, au lieu d'être un penseur, un journaliste, ou un intellectuel, il était un humble maçon qui exerçait son travail d'opposition avec un franc radicalisme, et dont la première peine de trois ans d'emprisonnement était due à ses manifestations publiques contre cette vague d'arrestation en 2003.
Cependant, une fois derrière les barreaux, cette condamnation a été prolongée jusqu'au chiffre astronomique de 25 ans, pour manque de respect aux autorités. Une terminologie qui, dans la pratique, signifiait le refus de porter l'uniforme de la prison et d'être traité comme un prisonnier de droit commun. Depuis lors, l'ancien travailleur, né à Banes, dans la municipalité de Holguín, figurait comme l'un des récalcitrants "contre-révolutionnaires", qui refusait d'être traité comme criminel de droit commun, et opposait son attitude insurmontable à qui prétendait le faire plier par la force. Ce fut la genèse de la tragédie. Mieux encore, son premier acte. Le second et décisif a été inauguré en décembre 2009, lorsque Orlando Zapata s'est officiellement déclaré en grève de la faim. Qu'exigeait ce prisonnier avec son jeûne volontaire? Le reportage à la Télévision cubaine indiquait, avec froideur et mépris: "une télévision, une cuisine et un téléphone dans sa cellule". Selon les mots de sa mère: "avoir les mêmes conditions de vie qu'a eu Fidel Castro quand il était prisonnier politique de Fulgencio Batista. Les mêmes conditions de vie qu'ont les cinq cubains emprisonnés aux États-Unis".
Peut-être qu'Orlando Zapata ne pensait pas que sa résolution allait l'envoyer à corps perdu à la mort. Mais ce dont je suis sûr, c'est que les autorités à Kilo 8 (prison de Camagüey, où il était détenu) n'ont jamais imaginé qu'il resterait ferme comme le marbre dans sa posture. Même si cela devait lui ôter la vie.
Un reportage qui n'explique pas les causes ne peut pas être appelé journalisme. Le matériel exhibé sur notre télévision ne s'est consacrée qu'à "démanteler" l'argument selon lequel Zapata Tamayo n'était pas assisté par les médecins lorsque son état l'exigeait. Rien de plus. Jamais il n'a été expliqué à ses millions de téléspectateurs comment il a été possible que l'arrogance du système pénitentiaire ai permis l'épuisement progressif d'un jeune homme qui ne demandait pas l'impossible.
La question n'est pas "Qu'est-ce que les médecins de Camanguëy ont fait pour tenter de rendre la vie à un corps épuisé par la faim?". Cela, on le suppose: un médecin qui a sur son cœur le devoir sacré de sauver des vies, ne pouvait pas avoir fait autre chose que se battre bec et ongles contre une mort qui avait déjà gagné le combat. La question est: "Comment est-il possible qu'on ai ignoré sans broncher les revendications d'un prisonnier dont le crime a été de penser différemment, de manière que, au moment d'être hospitalisé, son état de détérioration rende stériles tout efforts possibles pour le sauver?". Orlando Zapata Tamayo a-t'il choisi un lent et horrible suicide? N'aimait'il pas sa vie? Était-il un irresponsable, comme essaye de nous faire croire la Télévision cubaine, qui n'a pas mesuré l'étendue de ses actes, qui n'a pas senti le martyr de son corps affamé?
Je refuse de l'accepter. Orlando Zapata - un cubain que je n'ai jamais rencontré, dont je ne connais pas les idées ou les principes ou les valeurs humaines, dont je ne peux même pas évaluer le comportement de manière objective à cause de la désinformation et de la manipulation à laquelle nous condamne sur ces questions la presse officielle de mon pays - a eu le courage, qui en cubain se traduit par "a eu les couilles", d'être conséquent avec ses idées. Il a su faire ce que tant de slogans usés, tant d'expressions de Tribune ne peuvent pas englober derrière la rhétorique: donner sa vie pour sa cause.
Le reportage de la télévision doit être stocké dans nos esprits. Un jour, quand on construira un pays meilleur, des exemples comme celui-ci nous enseigneront jusqu'où nous aurons pu aller. Jusqu'où? Afficher publiquement les images cachées de cette femme désespérée, qui aurait apprécié tout mot d'encouragement pour retrouver foi en la vie de son fils, dont les paroles (ou celle qui prétendaient l'être) seraient ventilées sans le moindre respect de son intégrité, de ses droits ou de sa douleur. Présenter, une fois de plus, des conversations téléphoniques privées, enregistrées selon un processus zélé d'espionnage, trop semblable à celui de George W. Bush, si critiqué par la presse officielle cubaine mais à la différence qu'au moins les services d'intelligence du néfaste ex-président cachaient ces enregistrements. Ils ne les publiaient pas en prime-time sur la télévision étasunienne.
Peut-on tomber plus bas? On peut: derrière la photo de Orlando Zapata affichée sur l'écran - une image de sourcil froncé et d'expression malveillante, méticuleusement sélectionnée pour la présenter au public cubain - l'auteur a mis en contraste une image de ces marches de masses, que connaissent bien les cubains. Ce million d'Havanais qui rampaient sur un côté du Malecón, dans le langage visuel de ce reportage, contestaient fortement Orlando Zapata. Ils contestaient, selon les termes exacts de cette voix off éthérée, avec les poings levés, ses chantages et ses provocations.
Pas une opinion contraire. Pas un seul argument contraire. Pas un témoin des conditions de vie qu'avait ce prisonnier de conscience, et qui l'ont conduit à sa protestation fatale. A savoir: Orlando Zapata n'était pas un "plantado" (planté) qui refusait de s'accepter comme criminel de droit commun et exigait ses droits. Non. Orlando Zapata a été victime de ceux qui lui ont injecté l'idée de cette rébellion, des infirmités contre-révolutionnaires qui l'ont poussé à la mort. Aussi simple que ça. Pour ces capteurs de vérité, le principe de désaccord avec leurs idées est un concept si vague, si inexistant, que c'est seulement comme cela qu'ils peuvent comprendre qu'un cubain de 42 ans paralyse son estomac pour réclamer être traité avec respect. C'est seulement de cette manière: comme un manque de responsabilité. Comme une naïveté exploitée par le vrai ennemi.
Encore une fois, comme l'a dit Eduardo Galeano: Cuba fait mal.
Cela fait mal à nous qui n'acceptons pas que de telles choses soient possibles, que des morts comme celle-ci se matérialisent, que de telles souffrances aient lieu sous notre nez. Cela fait mal à nous qui croyons que, au lieu d'enterrer des gens ayant des opinions différentes, il est l'heure de dénicher ses idées et de construire avec chacune, les pertinentes et les folles, les sagaces et les évidentes, une nation plus pluraliste et tolérante. Et cela devrait faire mal à celui qui pense à Marti, prisonnier à seize ans, victime de violence et de cruauté, pour avoir était un opposant politique. Cela devrait être douloureux pour celui qui pense à Mandela, emprisonné 28 longues années pour avoir comparé ses idées à un système exclusif. Oui, pour être un opposant. Chaque cubain digne devrait le sentir dans sa chair, parce qu'encore un d'entre nous - de ceux qui sont nés sous le même soleil, de ceux qui ont construit des maisons avec leurs mains, de ceux qui ont souffert des pénuries et éclaté de rire, de ceux qui ont déjà bu du rhum, rêvaient peut-être d'un pays différent de celui qu'on lui imposait - est mort d'une mort qui n'aurait jamais dû être. Si notre drapeau n'était pas en vente pour des devises dans cette Cuba tropicale, et, par conséquent, si chacun de nous levait les couleurs quelque part dans nos maisons, les mettait en berne (bien qu'il ne s'agit pas d'un mandataire ou d'un homme célèbre) se serait une juste manière de garder un silence digne devant la mort de cet inconnu. Ce serait une façon de préserver notre dernière richesse: la dignité humaine. Et contre cela, aucun malheureux reportage ne peut rien faire.
Note: J'ai lu cet article pour la première fois avec l'entretien d'Ernesto avec Yoani et Reinaldo. On ne s'est jamais rencontré, mais ses écrits me font sentir comme si je le connaissais depuis toujours.
Signer pour la libération des prisonniers politiques et de conscience ici.
Traducteur: Denis
Saturday, May 1, 2010
Mon dernier premier Mai ... à la Plaza (de la Revolución)
C'était le 31 avril, j'avais dix-sept ans et j'étais sorti avec une amie. Elle étudiait Médecine et était obligée d'aller à la manifestation. Elle m'a insisté pour que je l'accompagne, et je n'ai pas pu résister: j'ai cédé.
Vers trois heures du matin, nous sommes arrivées au point de rencontre avec le reste de sa faculté. Malheureusement, les étudiants de la sa faculté (Girón), -comme celles infortunés de l'école Lenin-, appartenaient à ce qu'on appelé à guise de blague "les bataillons d'infanterie", c'est à dire, ils défilent en premier.
Il était pas encore l'aube quand nous sommes arrivées à la Plaza de la Revolución. Il faisait quelques années que je n'allait pas à ces marches et je n'était pas à jour. Le premier choc est venu d'un homme sorti de nulle part. Il portait un t-shirt rouge et criait à chaque étudiant:
-Mets ça!- au même temps qu'il lui offrait un t-shirt identique au sien.
J'ai reJ'ai réfusé de le mettre et là l'incroyable est arrivé: deux étrangers se sont séparés de la mer rouge, ils m'ont pris par mes épaules et m'ont déposé à l'écart du groupe. Avant de me lâcher finalement, ils mont dit:
-Si tu ne veux pas le mettre, tu ne peux pas être ici.fusé de le mettre et là l'incroyable est arrivé: deux étrangers se sont séparés de la mer rouge, ils m'ont pris par mes épaules et m'ont déposé à l'écart du groupe. Avant de me lâcher finalement, ils mont dit:
-Si tu ne veux pas le mettre, tu ne peux pas être ici.
Différente entre les égales, sans couleur entre les rouges, seule dans la foule et jeune, j'ai commencé à gémir et je suis rentrée chez moi comme ça. Il est intéressant que j'ai écrit tout ce qui s'est passé dans l'ordinateur 4-86 que j'avais à l'époque. Maintenant je pense que c'est peut-être mon premier posting ...
Traducteur: Denis
Le retour des oeufs
Une des premières impressions que le changement de "président" m'ont fait, était la disparition des colporteurs, -et de leurs produits-, dans la proximité de ma maison. Les œufs, les pinces à linge, les balais, las petites cruches, le fromage et le yaourt ont disparu dans cette guerre folle contre le marché noir avec laquelle Raúl Castro avait commencé son mandat.
Depuis lors, acheter quelque chose d'aussi simple qu'un œuf était devenue une agonie entre faire des longues files d'attente de plusieurs kilomètres et les commander aux endroits éloignés de la ville. La piste des colporteurs s'était éloignée de ma fenêtre et je m'était résigné à me passer d'eux.
Ce matin, à neuf heures, je croyais rêver, j'ai entendu une voix de femme crier:
- Oeufs! Oeeeuuufs!
J'ai ouvert les yeux et réalisé que le son ne venait pas de mon subconscient. Ma réalité se recomposait. À nouveau, les gens prenaient le risque de vendre: la nécessité donne les ordres. En sautant du lit, j'ai crié:
- J'arrive!
Il me semblait que l'on m'appelait par mon nom, plutôt que colporter. J'ai descendu les escaliers pour acheter la précieuse marchandise. Jusqu'à très récemment, son prix était de deux pesos l'unité, mais le risque de la vente dans la rue est élevé et ça se paye: un œuf coûte maintenant deux pesos et cinquante centimes.
Traducteur: Denis