Wednesday, June 9, 2010

Vivre sans eau

Photo: Leandro Feal

Parfois, ce que nous appelons dans mon pays "destin géographique" ne nous touche qu’à quelques mètres près; cela est mon cas: je vis dans le quartier d’El Vedado, dans une zone où j'ai de l'eau tous les jours. Malgré la phrase philosophique "l'homme pense comme il vit", j'essaie de sortir de mon environnement humide pour constater qu’autour de moi, d'autres apprennent à vivre sans eau.

J'ai une amie qui a renoncé il y a longtemps à avoir une cuvette de toilette blanche, l'eau arrive tous les deux jours et le réservoir n'est pas suffisant pour s’offrir le luxe de tirer la chasse à chaque fois qu'elle l'utilise: quelques marques jaunâtres lui rappellent, toutes les quarante-huit heures, que blanchir la céramique peut devenir un luxe. Toutefois, elle ne se plaint pas, il y en a d'autres -et elle le sait- qui sont dans une situation pire: chez Leo "La pipa" (le camion-citerne) arrive, dans le quartier Centro Habana, une fois par semaine. Comme la maison a été déclarée "inhabitable", elle ne peut pas mettre un réservoir sur le toit parce qu'elle cours le risque de voir un jour le toit lui tomber sur la tête. En dehors de la capitale c'est pire, il peut se passer une semaine sans qu'une goutte d'eau ne sorte du robinet à moitié cassé, qu'il ne vaut pas la peine de fixer.

Toutes ces difficultés ne peuvent être résolues -Qui rêve encore de recevoir une réponse à cette lettre envoyé une fois au Comité central, détaillant ces difficultés?- que sur le marché noir: des chauffeurs armés d'un camion-citerne, des tuyaux et beaucoup d'eau remplissent, pour quelques centaines de pesos, les réservoirs à sec et apaisent le besoin de se rafraichir que provoque les chaleurs de ce mois de juin sans pluie. Etant donné que pas tous les résidents peuvent se payer le camion-citerne illégal, il y a toujours quelqu'un qui appelle la police pour cafter et dénoncer le crime d'"acheter de l'eau sur le marché noir". Personne ne peut me convaincre du contraire, en espagnol ça s'appelle l'envie et c'est un des caractères primitifs de l'homme nouveau: la misère humaine.

Ce poison vers le bien-être de son prochain a, toutefois, des résultats étranges: il y a quelques jours un ami m'a raconté comment il avait été pris en flagrant délit de remplir ses réservoirs, car un voisin avait appelé la police et dénoncé le marchant d'eau. Mon ami est resté sans eau, le vendeur a eu une amende de mille cinq cent pesos et le voisin -c'est ici la partie totalement incompréhensible pour moi- est aussi resté sans eau, car l'État ne peut pas remercier chaque délateur avec une récompense.
Pourquoi ce voisin ne dénonce-t'il pas avec la même persévérance le gaspillage de l'eau à cause des conduites brisées et des réservoirs submergés qui pullulent dans la ville? Par exemple, le réservoir de la compagnie d'électricité à côté de mon immeuble, est toujours débordé, des sorte qu'il me fait imaginer que j'ai une fontaine au fond de l'appartement. Malheureusement, je sais pourquoi il ne le fait pas: sa combativité face au mal ne monte pas les échelons officiels, par lâcheté, parce que le réservoir de l'Etat a l'impunité pour gaspiller l'eau tandis que son voisin n'a pas le droit d'apprécier une douche; et voir tomber celui "d'en bas" est devenu, malheureusement, un sport national.

Traducteur: Denis

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