Sunday, June 26, 2011

Un jour à l’étranger

Photo: Leandro Feal

Elle est arrivé à Cuba tombé amoureuse de la Révolution, à la fin des années soixante dix. Elle a épousé un général et elle s'est installée dans l'île paradisiaque, pour faire de ses rêves une réalité. Elle a toujours côtoyé des gens d'importance, la nomenclature comme on dit, et a vécu les trente dernières années comme une princesse. La perestroïka, la glasnost, la chute du mur de Berlin, puis l'effondrement du bloc socialiste elle a entendu comme un écho de la lointaine Europe, qu'elle avait sagement laissé derrière. De son domicile de Siboney elle a écouté la litanie de la Période spéciale, mais pendant qu'elle conduisait la Lada sur la Cinquième Avenue, les choses ne paraissaient pas si mauvaises. Bien qu'elle subit des pannes de courant pas souvent, elle a acheté un générateur, et comme toujours, son mari approvisionnait le garde-manger avec des produits d'importation. Les mêmes que toujours.

Elle s'était fait quelques amies, presque toutes du Parti communiste. Cependant, au début des années 2000 certaines étaient restées à Cuba et toutes avaient renoncé à leurs charges politiques et au Parti. La politique n'avait jamais été un sujet entre elles, mais la nourriture oui, et les crèmes, la plage et la bonne vie. Peu à peu la nécessité s'est emparée des dialogues : à qui cela importait-il, la mer bleue et le sable blanc de Varadero, s'il n'y avait pas d'oeuf pour mettre sur la table ? Mais cet animal de la discorde, la bête politique, n'allait pas la laisser seule.

Un jour j'ai décidé d'offrir à ses amies un jour spécial : plage, restaurant et hôtel. Elles sont sortis dès le matin et sont revenus tard dans la nuit. Quand on est descendu de la voiture l'une d'elles a dit satisfaite : merci pour ce jour merveilleux à l'étranger! C'était la dernière fois qu'on s'est vu.

Traducteur: Catherine F.

Publié en espagnol le 17 mai 2011

Tuesday, May 24, 2011

La Havane - New York

From Guama
El Guamá Je l'ai connue en 2004, nous avions une connaissance commune, ma voisine. Elle passait sa vie en discothèques et aux concerts, toujours avec des garçons en voiture qui venaient la chercher. Je l'aimais bien, elle était amusante. Les après-midi, quand elle se levait, elle venait parfois prendre le café chez moi. Avec des parents à l'étranger, elle vivait sans travailler et bien que parfois elle était à court d'argent, les sorties nocturnes n'étaient pas affectées parce que pour ça les hommes payaient.

Le hasard, qui nous a placé un jour dans le même quartier, nous a séparés. Pendant des années, je n'ai pas eu de ses nouvelles et j'ai pensé, comme il est normal dans cette île, qu'elle était partie du pays. Il y a peu nous nous sommes retrouvées et j'ai pu vérifié qu'elle avait une raison: maintenant elle vit à New York et vient à Cuba pour les vacances. Je ne sais pas comment elle est partie, les Cubains s'arrangent de tant de façon pour sortir fuyant cette terre qui m'a déjà pris le travail de recherche, puisque les histoires peuvent être comiques, mais aussi très tristes et sinistres. De plus, j'avance un peu avec sensibilité sur le sujet de l'émigration, je me demande qui sera à mon côté dans dix ans, quand tous mes amis seront déjà partis.

Pendant l'instant que nous avons partagé, elle m'a raconté que là-bas elle travaillait beaucoup, et que d'une manière générale, elle se considérait comme communiste. Une communiste, me-suis exclamée? - si tu étais une terrible gusana. Qui t'a succédé? Le système des États-Unis - condamné - est inhumain, ici c'est mieux, plus humain. Je l'ai regardée bouche bée, le nouveau pays dans lequel elle vit ne lui plaît pas, parce qu'elle doit travailler, à Cuba elle ne le faisait pas parce que quelqu'un l'entretenait. Pourquoi justifie-t-elle par la politique sa propre incapacité productive ? Je ne suis pas d'accord avec toi - j'ai répondu en essayant de taire la passion qui m'envahit quand les gens viennent de la démocratie en me racontant des contes de fées sur la dictature - beaucoup de gens ne travaillent pas, c'est certain, parce que le salaire est "inhumain" et il n'est intéressant pour personne de courber l'échine gratuitement. Cependant, il me semble bien que, pour gagner son pain, tu dois travailler, c'est normal. Le Cubain n'aime pas travailler - j'ai riposté et alors j'ai su que parce qu'il ne lui plaît pas à elle de travailler, elle considère que c'est pareil pour le reste du peuple.  Quelle capacité de généralisation!

Avant de nous séparer, elle m'a raconté qu'elle avait une opération en cours, j'ai supposé qu'elle serait à Cuba, puisque le gouvernement que nous avons est si humain. Quelle n'a pas été ma surprise de l'entendre s'exclamer:  Je n'opère pas là-bas!  

Traducteur: Catherine F.

Wednesday, May 4, 2011

Les mêmes noms


Le manque de rationalité me vient à l'esprit devant les images du Sixième Congrès. Quand j'entends la liste des délégués, les membres du Bureau Politique et ceux du Comité Central, je ressens un malaise physique désagréable : Machado Ventura, Balaguer, Cintas Frías, et un vieux etcétéra, ne me laissent pas continuer à écouter avec objectivité. Et comble de tout, Raúl Castro se met à raconter une anecdocte digne d'une telenovela (« feuilleton mexicain ») sur le machisme familial : il marche sur les pieds de Machado Ventura après qu'un certain ragot se soit propagé. Cette scène aurait été certainement plus adéquate devant le four d'une cuisine que pendant le tant attendu Congrès du Parti Communiste.



Le pire - ou le meilleur, selon la lecture - est que nous aurons à attendre jusqu'au 28 janvier 2012 pour la mise en application des changements. On supposait que le super changement serait pour tout de suite, mais ils nous ont donné une "petite modification" et à nouveau nous ont ajourné la "transformation". Raúl Castro se lamente sur des dogmes archaïques, promet une autre rectification, augure un avenir avec de plus jeunes dirigeants et assure qu'il sauvera lentement le socialisme et la révolution. Le Général sait, il doit le savoir, que ses promesses s'accompliront seulement quand il ne sera déjà plus dans le Comité Central, quand il ne sera plus le Premier Secrétaire d'aucun parti, quand vraiment une nouvelle vague de fonctionnaires publiques assumera les pouvoirs. Et justement c'est ça qu'ils veulent des puissants vieillards: minimiser le changement et jouer une politique de compte gouttes, pour étendre le plus possible l'inévitable changement, la fin de l'omniprésence du Parti.


Cependant, même moi, la reine de l'incrédulité, sens un certain optimisme. Les libertés économiques que le gouvernement cubain est aujourd'hui obligé de nous accorder, à risque de s'effondrer, ce seront les fondements de la liberté sociale et politique que nous leur arracherons demain, parce qu'alors ils seront également condamnés à céder, sous peine de périr.



Traducteur: Catherine F.

Publié en espagnol le 22 avril 2011

Sunday, April 24, 2011

Soldat, moi?


Qu'ils tremblent les ennemis d'un peuple où chaque femme est un soldat de la patrie!

Chaque fois que je passe par 21 et Paseo cela me remue les tripes. Je traverse l'Avenue et je ne peux pas éviter de lire l'énorme affiche qui illustre ce post. Signée par la FMC, elle considère comme convenu que, moi, et toutes les femmes de cette île, sommes une espèce d'armée disposée à faire feu contre l'ennemi. Je ne suis même pas un soldat de mes propres causes, comment pourrais-je être celui des causes de la Fédération des Femmes Cubaines?


Cela me gêne énormément que les multiples organisations de masse, qui hypothétiquement représentent les différents groupes de cubains, se sentent en droit de parler au nom de tous, de voler les voix des individus pour les transformer en voix unique d'un appareil de contrôle. Pourquoi nous incitent-ils à un militantisme dont nous n'avons pas besoin ? Qui a dit que je ne suis pas une civile à outrance ? Depuis quand, nous, les femmes cubaines, formons un bataillon pour la défense de la patrie?


Traducteur: Catherine F.

Publié en espagnol le 19 avril 2011

Thursday, April 21, 2011

Le samedi



Depuis vendredi 8 avril le ciel nous annonce que la marche s'approche. Sous le précieux bleu, des avions de guerre essayent - nous ne savons pas bien comment ni pourquoi - de piquer vers la terre; nous nous sommes couvert les oreilles pour ne pas entendre le vacarme. Mes chiens ont perdu le sommeil, le mâle abboie désespérement au plafond et la femelle se cache sous le sofa. Je voudrais pouvoir leur expliquer que ce n'est rien de plus qu'un écran de vanité militaire dans un pays qui est fatigué de répéter au monde qu'il condamne la guerre. Je sors dans la rue et suis surprise de voir passer quelques chars devant mes yeux. Je traverse l'avenue 26 et respire profondément, c'est un fait: cette île est gouvernée par des fous. La circulation est détournée et les voitures perdues entre les rues forment un chaos. Je passe quinze minutes à essayer de traverser Paseo.

Cela fais dix jours que je vis en compte a rebours: plus que sept, plus que cinq, plus que finalement deux aujourd'hui. Je n'ai jamais été si désespérée par l'arrivée du dimanche. Dès vendredi, tout sera paralysé, les écoles, les commerces, la ville. Avec tant de besoin et tant de crise je me demande à combien de zéros se monte la note de frais de la mega marche pour le cinquantième anniversaire de la baie des Cochons.

Ils disent que nous, cubains, sommes paranoïaques et, sincèrement, si nous ne l'étions pas bien mal serions-nous, parce qu'il n'y a rien qui donne plus le frisson que de se montrer au balcon et voir à un peloton de soldats crier des gros mots et donner des coups de pied au sol, ni plus sombre qu'une armée mobilisée en temps de paix, ni plus irrationnelle de sortir les hommes de leur travail pour mobiliser plusieurs fois par an les réserves. Rien de plus triste que cette semaine, qui nous rappelle sans piété que ce n'est pas la guerre de tout le peuple, mais la guerre contre tout le peuple.

Traducteur: Catherine F.

Publié en espagnol le 15 avril 2011

Sunday, April 17, 2011

Le problème est culturel



Je me lève le matin et m'offre mon bain d'irréalité devant le téléviseur avec les premières nouvelles. Dans la Revue du Matin, le premier journaliste du jour, ne perd pas la piste du surréalisme. De même, tu écoutes une réflexion intitulée “Los zapaticos me aprietan” "Les zapaticos me serrent" (je suis réellement intriguée, pour sur, par l'idée fixe qu'a développée Fidel Castro avec Obama, cela fait des mois qu'il lui consacre toutes ses réflexions), une notice sur un concours d'arts plastiques appelé "Amiguitos des FAR". Ils sont ineffables les sentiments qu'à sept heures et demie du matin l'un peut expérimenter après avoir vu la télévision cubaine.

L'autre jour, ils ont passés un petit rapport sur la normalisation des produits qui sont offerts en pesos cubains. Une voix off montrait des entreprises et essayait de nous convaincre que le pays avait fait des efforts pour améliorer la qualité des productions et que cela pouvait être vérifié dans plusieurs offres du marché. Cela a duré quelques minutes et l'objectif était d'introduire une interview avec un spécialiste sur le sujet. Dès le programme terminé - dont l'objectif était de démontrer la très grande qualité de nos produits qui de plus souffraient de la pression de la norme internationale imposée par l'occident (un rendez-vous textuel) - le spécialiste a dit : A Cuba on ne remplit pas la norme, le problème est culturel.

Je marchais d'un côté à l'autre avec ma tasse de café dans la main et n'ai pas pu éviter d'en verser un peu sur le sol. J'ai la coutume de parler au téléviseur, c'est une habitude que j'ai développée depuis l'adolescence. Je suppose que ça a été la manière que j'ai trouvée pour extérioriser mon mécontentement avec l'establishment du journalisme officiel : créer mon propre débat avec tout ce qui sortirait de l'écran. Comment culturel ? Me suis-je exclamée. Ni la politique gouvernementale d'étatisme économique, ni notre économie faite de miettes, ni la double monnaie sont responsables de la qualité incertaine du pain ou du savon, c'est la culture cubaine - selon un spécialiste des matières économiques – qui est responsable de ce mal.

Traducteur: Catherine F.

Publié en espagnol le 5 avril 2011

Thursday, April 14, 2011

Mes conclusions

Foto: Claudio Fuentes Madan


Nous avons subi presque un mois de feuilleton télévisé et à l'exception d'un épisode – celui de la guerre cybernétique - dans tous les autres un agent caché a été découvert. Celui de lundi, je n'ai pas pu le terminer, c'était trop. Ils m'ennuient infiniment. Cependant, cela vaut la peine d'analyser cette croisade médiatique de la sécurité de l'état contre la société civile. Je confesse que les motifs des actions des services secrets cubains me sont en général incompréhensibles - et ce ne sera pas la première fois que je reste comme une idiote devant l'objectif - et par dessus tout, les bénéfices que le feuilleton télévisé peut apporter au gouvernement.


Premièrement, il me paraît surprenant qu'ils aient décidé de mettre dans le même sac - c'est-à-dire d'avoir comme protagonistes - tant d'adversaires, d'activistes des droits de l'homme et bloggers tels que des écrivains, des peintres et des vendeurs d'antennes et de comptes illégaux d'Internet. Il en ressort qu'avant le feuilleton télévisé seulement les premiers étaient dissidents, après la quatrième saga ce n'est déjà plus si clair. La Sécurité d'État vient de lancer par les cieux le nombre d'anticonformistes en nous mélangeant tous dans une seule idée : la contre-révolution. Malheuresement, ils ne définissent jamais ce mot. Je suppose qu'un décodeur d'antennes paraboliques est resté bouche bée en face du téléviseur après avoir reçu la nouvelle qu'il est "officiellement" un dissident.

Il m'est difficile de comprendre les bénéfices qu'ont peut retirer de «Las Razones de Cuba » " Les Raisons de Cuba". Peut-être que la diffamation comme arme pour discréditer les figures les plus connues de la société civile ou la nécessité de créer un état d'opinion, plutôt-paranoïaque, par rapport à la capacité des «agents secrets» à se faufiler dans nos vies. Mais je continue de penser que les deux arguments restent insuffisants si nous les comparons aux désavantages: reconnaître que ce qu'ils nomment "contre-révolution" va au-delà de l'idéologie et s'est converti en réalité cubaine d'au jour le jour. Si avoir internet ou regarder la télévision de Miami est aussi risqué que d'appartenir à un parti d'opposition, il ne nous reste que peu d'options pour les citoyens.

Traducteur: Catherine F.

Publié en espagnol le 9 avril 2011

Sunday, April 3, 2011

L’héritage

photo: Claudio Fuentes Madan

La Havane dort depuis que je suis née. J'aime rester au bout de la rue 12 et voir la ligne tracée par la mer au loin. Presque tous mes amis vivent, ou prétendent vivre, de l'autre côté de cette ligne. Là où mes yeux ne peuvent pas arriver.

Je lis la "Couleur de l'Été" de Reinaldo Arenas et sens que je suis au-delà de la fiction. Je suis heureuse, d'une certaine façon, que Reinaldo n'ai pas vu son roman devenir réalité, avec cinquante-deux ans de révolution. Je suis une espèce de personnage après le Grand Carnaval. Nous sommes tous les survivants des pages qu'il n'a pas écrit, parce que cinquante était déjà pour lui un nombre assez grand, assez rond. Nous avons déjà perdu la notion des nombres entiers, la notion de tous les nombres.

Je vis la sensation de respirer un changement que, cependant, je ne peux pas deviner. Il me semble que je suis à la fin mais j'ouvre les yeux et en réalité ce n'est pas plus que le commencement. Les choses finissent, les êtres vieillissent, les villes changent et les idéologies meurent. Cependant, il y a des jours où je me lève avec l'impression de m'être éveillée le jour précédent.


Traducteur: Catherine F.


Publié en espagnol le 29 mars 2011


Saturday, April 2, 2011

Ma rencontre avec Jimmy Carter



La première fois que j'ai entendu Jimmy Carter, c'était en 2002. Mes souvenirs sont flous, mais sont restés gravés dans ma tête pendant un moment: son discours à l'Aula Magna de l'Université de La Havane. Même moi, je ris au souvenir de Hassan Perez, à ce moment ou il n'avait pas encore été évincé du pouvoir et chargé de la Ligue des jeunes communistes, lançant au président une supposée question à la cadence d'une mitraillette et pendant approximativement trois minutes. Avec douceur Carter lui demanda de la répéter, désolé de ne pas avoir compris. Ce jour a été historique pour les Cubains, au beau milieu de la télévision cubaine, nous avons su que le projet Varela existait, et qu'Oswaldo Payá avait atteint les onze mille signatures nécessaires pour modifier la Constitution cubaine. Le Projet Varela a été ignoré et vilipendé par le gouvernement, la Constitution a été changé pour le pire et est arrivé le Printemps noir. J'avais vingt ans.

Hier, à l'Hôtel Santa Isabel, j'ai eu l'honneur de rencontrer Jimmy Carter, de l'écouter et qu'il m'écoute. Et j'ai eu l'énorme satisfaction de partager une table avec beaucoup de ceux qui depuis des années, plus que mon âge, pousse pour changer les choses sur cette île fatiguée. Des hommes et des femmes qui ont passé leur vie à unir des grains de sable pour sauver la société civile, pour faire respecter les droits de l'homme, qui ont souffert de l'emprisonnement et qui ont sacrifié leurs rêves personnels dans la poursuite du rêve de toute une nation.

Je sais qu'entre les mains de Jimmy Carter il n'y a pas toutes les solutions de Cuba. Je sais que malgré tout ceux qui sur le chemin ont donné leur âme pour cette terre, nous sommes encore coincés dans une étrange «révolution» d'un demi-siècle. Mais des réunions comme celle d'aujourd'hui me rappelle que, peu importe combien de temps il faut pour y arriver, à la fin du chemin il y a la lumière.

Traducteur: Catherine F.


Publié en espagnol le 31 mars 2011

Friday, April 1, 2011

Révolutions



J'ai récemment traduit pour mon propre usage une interview que le journal français « Le Temps » a fait avec Michael Parmly. J'étais intéressée, surtout, à mettre à disposition l'avis de l'homme qui avait signé presque tous les câbles envoyés de la Section d'Intérêt des Etats-Unis à La Havane, et qui ont été divulgués à Wikileaks. Nous courons tous après ces câbles. Même l'émission de la télévision Table ronde a diffusé un documentaire sur Julian Assange et le phénomène «Wikileaks". La controverse est énorme et je l'avoue, à mon grand regret, que mon point de vue sur le sujet est encore hésitant. Ainsi, je n'ai pas écrit à ce sujet, mais, voyant que le temps passe et que je ne suis pas sur le point d'offrir un avis spécifique, je vais me jeter, comme on dit ici - sur le bus en mouvement - et écrire un post rempli de doutes, et d'espoir également, bien sûr.

Je comprends très bien les appréhensions de Michael Parmly, les préoccupations de l'ancien chef de section, que ses sources soient identifiés. Je suis aussi très anxieuse à ce sujet. Quand je lis les câbles sur la dissidence interne et peux identifier, malgré les X, les noms auxquels il fait allusion, je sais que la Sécurité d'État cubaine les reconnaît également. Malheureusement, ce ne sont pas les noms de représentants du gouvernement cubain, mais ceux de simples citoyens cubains qui osent défier un système qui n'accepte aucune critique ou opposition. Indubitablement, les câbles, où les représentants de la société civile peuvent être reconnus, constituent une menace pour la liberté et le travail de ces personnes. Pour ma part, je refuse de classer ce risque comme « dégât mineur » comme l'appellent certains amis. Je pense que Wikileaks a le devoir de parfaire son travail d'édition afin de garantir aux sources la protection qu'ils méritent.

Cependant, rendons à César ce qui est à César. Lorsque d'autres amis me disent que Julian Assange et son équipe ne sont pas des journalistes, cela démontre que le concept de «journalisme» devient obsolète face aux nouvelles technologies. Wikileaks est venu pour nous prouver que le droit à l'information n'est pas simplement une utopie, et établit sans nul doute une base à la fois pour la diplomatie et pour les médias d'information traditionnels. Il me semble qu'il n'y a guère de sens à nier la réalité: Wikileaks existe. Nous devons vivre avec et apprendre de lui. Il est, en fait, le pouvoir citoyen auquel j'aspire: j'ai le droit de savoir ce que les politiciens au dessus de ma tête ont l'intention de faire avec mon avenir.

Publié en espagnol le 27 janvier 2011.

Les faux-pas de la princesse



Ce n’est pas la première fois que je ressens l’envie de dire à Mariela Castro qu’elle aurait dû se taire. Chez moi, c’est une réaction assez surprenante car normalement je dis et j’exhorte les autres à exprimer ce qui leur passe par la tête. Pourtant, avec elle, ça m’est difficile, et c’est parce qu’il existe quelque chose qui s’appelle la pudeur et qui pour ceux qui, comme elle, sont des personnages publics de la politique, est indispensable.

La première fois ce fut quand elle a appelé Yoani Sánchez « petite prétentieuse insignifiante ». C’est assez honteux qu’un politique insulte une journaliste pour une question dérangeante, mais que la fille de l’héritier traite d’insignifiante une citoyenne cubaine fut, sans aucun doute, le comble du cynisme atteint par la nomenklatura. Il faut préciser pourtant que la question de l’auteure de Generation Y fut loin d’être aussi dérangeante qu’elle aurait pu être et que la sur réaction de Mariela est la preuve de l’allergie que lui cause la liberté de la presse. À mon avis, une question vraiment dure aurait été, par exemple, demander pourquoi le CENESEX ne présente pas devant le gouvernement une plainte en faveur des homosexuels qui ont subi la répression et les vexations dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt et qui méritent une indemnisation et des excuses officielles. Dans ce cas, je crois qu’à notre princesse, ça lui aurait causé un infarctus.

Maintenant, le CENESEX a en première page cette déclaration. Elle me rappelle une blague populaire: La période spéciale ne me fait ni bien ni mal, mais tout le contraire. Il en résulte que Cuba a l’exclusivité d’être le seul pays d’Amérique qui « se joint au vote des pays qui considèrent l'homosexualité comme un délit dans le cadre de leur législation, incluant l’application de la peine capitale pour ce motif, pour cinq d’entre eux ».Le CENESEX, il faut le préciser, est la seule institution reconnue par le gouvernement qui est supposée représenter les droits des homosexuels. Quelle impudeur, messieurs, de lire une telle phrase sur la page du « Centre National d’Éducation Sexuelle, et signé de sa directrice !

Publié en espagnol le 30 novembre 2010

Tuesday, January 4, 2011

Les respirations de La Havane

Image: Claudio Fuentes Madan

Texto: Boris González Arenas

…Cuba est dans le nombre réduit de pays (…) qui disposent des conditions pour (…) sortir de la crise sans traumatisme social… »
Raúl Castro Ruz
Discours de clôture du VI congrès du Parti Communiste de Cuba
19 avril 2011

Comparer une ville à un organisme vivant n'est pas quelque chose de nouveau. Nombreuses des fonctions quotidiennes d'une ville ressemblent aux fonctionnements propres aux organismes vivants. Mais les villes ne sont pas des organismes vivants. La vie les habite et celle-ci les érige, rend conforme la déambulation de ses animaux, ses plantes et, principalement, les êtres humains.

Une ville sans être humain sera toujours une ville abandonnée, même si les arbres croissent dans ses anciens salons et les animaux sauvages dans leurs espaces copulent dans ses endroits autrefois publics, une ville abandonnée est une ruine dans une forêt.

Le temps qu'elle passe inhabitée importe peu. Le sept mai 1986 la ville de Prípiat n'avait pas achevée vingt-quatre heures d'évacuation que c'était déjà une ruine. La ville construite pour les travailleurs de la centrale atomique de Tchernobyl a été vidée moins de dix jours après l'explosion qui a augmenté les niveaux de radiation de toute l'Europe. Le dernier résident portait dans son adieu le changement de condition de ce qui était une ville et est devenu, avec sa sortie, une ruine.

Une ville peut également montrer ses bâtiments en ruines et être habitée.

Une ruine habitée est une contradiction et suppose presque toujours un état transitoire. C'est le travail des habitants, celui qui lève une ville, la conserve et la transforme. Il n'est pas concevable que les êtres humains renoncent à ce qui leur est naturel : engager son énergie et sa force en créant un environnement digne pour elle et pour ceux qui les entourent. Seuls de grands accidents historiques justifient les ruines habitées, la fin des guerres, quand ceux qui retournent à leurs maisons trouvent le travail de toute une vie défait par le feu, la détérioration dont souffrent les grandes villes, quand elles perdent l'autorité qui les érige et laissent les habitants avec peu d'options face aux restes de la splendeur.

La ville de Nuremberg, en Allemagne, a dû être reconstruite presque totalement après que les bombardements alliés l'aient détruite à la fin de la seconde guerre mondiale ; la ville de Detroit, aux Etats-Unis, fait face aux conséquences du déboisement de la grande industrie automobile qui, dans la première moitié du XX siècle, a fait d'elle la quatrième ville la plus importante du pays et qui dans les dernières décennies a perdu presque la moitié de sa population.

C'est un moment de changement dans lequel l'être humain devra évaluer les nouvelles conditions et agir pour développer l'espace qu'il requière pour vivre. Peu de choses justifient une existence entre les ruines d'un temps meilleur, et toutes sont associées à la détérioration de ce qui chez les êtres humains est essentiel. L'origine de cet état - pour que de son intérieur ne surgisse pas le courage et la stratégie de dépassement de sa condition, pour qu'il ne génère pas d'associations et leur propre leadership des situations critiques, pour ne pas être mort - tient à ce qu'il soit soumis à une indigence morale et matériel immobilisante. Quelqu'un qui peut à peine lever le regard sans crainte qu'ils perçoivent son orgueil, incapable de bouger ses muscles pour qu'ils ne soupçonnent pas sa force ou de soutenir son raisonnement et éviter ainsi qu'ils le marquent pour son intelligence.

"Insuffler" est le verbe avec lequel a été dénommé l'acte d'animer l'inertie. Supposément l'homme a reçu la vie comme par une respiration et cela l'a changé en être animé. Mais c'était une respiration transfrontalière et l'animé pouvait à son tour animer. Il en résulte que la ville est très semblable à un organisme qui semble en vit. C'est par cela qu'une ville détruite - avec tous ses systèmes d'approvisionnement, de transport, de réseaux hydrauliques et électriques paralysés - peut montrer la vie qu'elle contient.

Parce que la ville n'est pas un organisme, cela peut passer. Dans l'immondice une femme peut concevoir un fils, quelqu'un peut donner une sépulture à un frère et tous sentir une espérance face à n'importe quel idée de changement.

Affamé, un enfant peut découvrir le coup de la goutte de la pluie sur le visage, être saisi des ombres de l'aube ou l'espace sans limite auquel il est ouvert face à la mer.

Trompée, souillée, humiliée, une femme peut sentir la vibration de la honte et comme une héroïne de marbre sauter du socle comme de la routine et jeter à terre ce qui condamne ses fils à l'émigration ou à la mort.

Comme dans la vie, rien dans une ruine habitée n'est ce qui a été et, de même, comme dans la vie rien n'est permanent. L'important c'est la respiration.

Des grilles laissées à l'arbitraire de l'intempérie, arrachées de leurs espaces originaux et réappropriées dans des espaces étrangers, des murs jetés au sol et ses briques cotées sur le marché gauche, des tuiles, des faïences, des poutres, des portes, des cristaux, tout a commencé à s'effondrer en ce qui n'a pas pu résister. Dans la stratégie de la misère la respiration vitale est prodigieuse parce qu'elle doit animer la mort. L'étranger à qui cette condition est étrangère, s'étonne après avoir vérifié qu'un corps décoloré peut transporter tant de force dans un panorama semblable, en sachant de plus que seul l'effort réussira à reproduire la condition du malheureux, tandis qu'une multitude de décalés insiste pour soutenir l'accablement dont elles ne sont pas victimes.

C'est le sort des ruines vivantes de protéger ceux qui les habitent et quand elles ne peuvent plus le faire, s'effondrer et s'offrir. Jusqu'à ce que l'amour des vivants trouve des similitudes dans la capacité de livraison des villes ruinées.

Traduction: Catherine F.

1 Mai 2011