Thursday, July 22, 2010

Mon mari en vaut la peine, entretien téléphonique avec Tapia Suyoani Mayola (I)

J'ai appris par hasard l'histoire de cette médecin de vingt-neuf ans et son mari, Horacio Piña Borrego, 42 ans, journaliste indépendant emprisonné pendant la cause des 75. Pendant que l'on me racontait l'odyssée de son destin il me semblait que je lisait un chapitre de "Les Hauts de Hurle-vent". Ces choses ne se passent pas dans la vraie vie, je pensais, et s'ils se passent, je dois aller parler à cette femme, je dois raconter cette histoire.

Un ami commun nous a connecté et j'ai décidé de lui téléphoner pour qu'elle me donne son témoignage. Les mots de Suyoani ont pénétré mon âme et, même si l'on dit que tout par téléphone est plus cool, j'ai aussi pleuré quand elle a pleuré de l'autre côté du combiné. Je ne pensé pas à publier une interview, plutôt raconter son histoire, mais après l'avoir enregistré, changer la vie de cette jeune fille avec mes mots me semblait un sacrilège.

Première partie: Prison de Canaleta, province de Ciego de Avila

Fragmento del audio de la entrevista:

- Comment as-tu rencontré Horacio dans la prison de Canaleta?

Nous nous sommes rencontrés pour la première fois dans une cellule de punition. Il a été choquant pour moi car je n'étais pas un médecin de la zone d'isolement, j'étais en service de permanence et on m'avait cherché parce que Horacio se sentait mal.

Quand je suis entré dans le couloir tout ce qu'il y avait été une ampoule à incandescence, la lumière du soleil n'y pénètre pas parce que les fenêtres sont fermées avec un morceau de zinc. C'était un vaste espace, je ne peux pas te dire la longueur, il est incomparable, il y avait beaucoup de cellules très petites, extrêmement petites. Et il y étaient cinq de la cause des 75: Raúl Rivero, Ariel Sigler Amaya, Luis Milán Fernández, Pedro Pablo Alvarez et mon mari, Horacio Piña.

Je me souviens que Horacio avait un mal de tête et de l'hypertension artérielle. Quand je l'ai vu à travers cette porte, ça a été extraordinaire, à partir de ce moment, nous avons tous deux réalisé que quelque chose allait se passer. À l'époque, je n'ai jamais pensé que nous allions finir par former un mariage, que au moment donné nous aurions même une fille. Cependant, c'était magique, j'ai beaucoup de foi et dans ces conditions, connaître une personne, tomber dans l'amour et formaliser après un mariage et une famille, il doit vraiment être l'oeuvre de Dieu.

- Pourquoi étaient les cinq dans des cellules de punition?

Il n'y avait aucune raison pour cela, c'était la place que les autorités ont cherché pour eux. Il s'agit de la cellule de punition pour les criminels de droit commun, mais c'est aussi la zone d'isolement. Quand ils ont étés emprisonnés on les avait mis là avec les condamnés à la mort et à la peine à perpétuité. Horacio y était un an et quatre mois.

- Quand est-ce que vous vous êtes rendus compte que vous étiez tombés amoureux?

Au début, nous étions juste des amis, en dépit qu'il y avait toujours beaucoup d'identification entre nous. Le treize mai 2004, nous avons eu le premier baiser, près d'un an après notre rencontre, parce que, comme il était dans la zone d'isolement, nous ne nous voyions pas si souvent, seulement une ou deux fois par mois.

Dans la prison le rapport des détenus avec les fonctionnaires et les médecins est très difficile, on m'a parlé très mal d'eux. Mon mari me raconte que plusieurs fois il a essayé de faire la conversation, mais il avait peur de me décevoir ou de me dire quelque chose de mal, en plus dans sa situation. J'avais envie de lui parler, mais j'avais aussi peur.

Il a fallu longtemps avant que nous nous parlions, seulement lorsque il a été transféré avec les autres prisonniers nous avons commencé à nous voir presque tous les jours et nous avons commencé la relation; je prenais soin des malades chroniques et il avait diverses maladies.

Notre union a été très forte, malgré autant d'adversité: nous n'avons jamais parlé de quelque chose de temporaire, au contraire, nous avons toujours fait des plans pour l'avenir. Nous avons eu beaucoup de difficultés parce qu'il y a des choses que l'on ne peut pas cacher: la Sécurité s'est rendu compte qu'il y avait quelque chose, que je les aidait, non seulement pas à lui mais aussi aux autres. Ils ont commencé à nous surveiller, malgré qu'ils ont jamais obtenu des preuves manifestes de notre relation, ils l'imaginaient. Après, Raúl Rivero a écrit un poème racontant notre histoire, et la Sécurité l'a trouvé.

Horacio est merveilleux, la personne que j'ai choisi comme modèle, je compte sur son soutien, il me donne une grande force de vivre et de continuer. Certaines personnes m'ont dit: "Mais comment est-ce possible? Tu es une jeune femme, tu as toute une vie devant toi. Que fais-tu unie à un homme condamné à vingt ans? Je simplement réponds: Mon mari en vaut la peine.

- Quelles sont les conséquences d'avoir étés découverts? Qu'est-ce qui s'est passé dans ta vie personnelle et professionnelle?

On est venu me chercher au cabinet, j'étais justement en train de soigner Horacio, ils sont arrivés cinq agents de la Sécurité et ils m'ont amené dans un bureau, tout cela est arrivé devant lui. Ce fut un moment terrible, il savait que quelque chose n'allait pas et il a dit aux policiers: "Interrogez moi, laissez-le!".

Ils ont essayé de me faire avouer. Je suis un médecin, j'étais un travailleur civil du Minint (Ministère de l'intérieur) et je faisais des services sociaux, on n'était qu'un homme et une femme, ils ne pouvaient pas m'accuser de quoi que ce soit. Ils ont essayé de m'intimider avec ma famille, me menaçaient: qu'ils allaient dire à mes parents. Un officier m'a demandé dans une interview comment était-il possible pour un médecin, diplômé dans la révolution, tomber en amour avec un terroriste. A cette occasion, je lui ai répondu: il semble que nous n'avons pas la même notion de terrorisme, Horacio Piña n'est pas un terroriste.

J'ai été transférée à une autre unité du Minint, et ensuite on l'a envoyé à Pinar del Rio. Le dernier entretien à Canaleta a été le 18 juillet. Horacio a été déplacé la nuit du 11 août au Combinado del Este (La Havane) et plus tard à Pinar del Rio. C'est à dire, il n'est resté que quelques jours à Ciego de Avila après que j'aurais été envoyée à l'autre unité, pour un travail plutôt bureaucratique, rien liées aux prisons. Ils ont dit qu'ils ne voulaient pas perdre un médecin, alors j'ai fait un échange de poste: une médecin d'une école était intéressé à changer d'emploi, elle a rejoint le Minint et je suis allé à l'école.

- Alors, on ne t'a pas laissé continuer à travailler dans les prisons?

Non, ils savaient que, étant donné que j'avais une relation avec lui, j'allais l'aider. Ils ne veulent pas, ne peuvent même pas imaginer qu'il y aie quelqu'un qui puisse rendre les choses plus faciles aux prisonniers. J'ai eu des moments de grande pression, un jour j'attendais le bus pour aller au travail, et à l'arrêt du bus une dame disait à un autre: "Il y a une médecin avec un terroriste de la prison ici à Canaleta".

Ce signe de "Docteur avec Terroriste", ce sont eux qui se sont pris en charge de le divulguer dans ma province. Pour ma famille ça était très difficile aussi, mes parents ont été convoqués au lieu de travail. C'étaient des moments très difficile pour tous, y compris lui, parce qu'il se sentait impuissant pendant que je souffrait toute cette situation.

- Qu'en est-il de ta famille, comment a-t-elle réagi à une telle pression?

J'ai une famille merveilleuse ... Je peux à peine parler. Dans le cas de mon père, parce que ma mère est une personne un peu plus calme, il m'a dit: - "Si nous ne t'aidons pas, qui va le faire? Tu es ma fille". Le souvenir me fait mal.

Le jour où la Sécurité m'a interrogé, ils ont aussi interrogé mon père. Le lendemain matin, je partait pour le travail et il m'a demandé si j'avais besoin qu'il m'accompagne:

- Papa, je peux aller seule- et il m'a dit.

- Lève ta tête alors, tu n'as rien fait pour aller avec la tête en bas.

Et pour ça je lui serai toujours remerciant, j'ai beaucoup vraiment à remercier aux deux parce que les deux travaillent et ils sont liés d'une façon ou d'une autre à ce gouvernement, avec le système. Une autre famille peut-être n'aurait pas adopté cette position. Les agents ont même demandé à mon père pourquoi je vivais encore sous son toit et il a affirmé: "Il n'y a pas question qu'elle quitte la maison, c'est ma fille et je l'aiderai à tout. Ainsi, il a toujours fait, ça fait maintenant près de sept ans et je suis ici à Pinar del Rio. Malgré d'être loin, ils n'ont m'a beaucoup aidé.

- Qu'en est-il des gens, quelle attitude ont ils pris devant la diffamation? Tes collègues, tes amis?

Nous avons reçu le soutien de nombreuses personnes, Horacio est très sociable et facile à aimer. Les infirmières nous ont beaucoup aidé et il soutient même la communication avec des gens de Canaleta. Je lui disais à l'époque "Tu as des yeux dans le dos" et il se justifiait, "Les amitiés m'alertent des dangers, me donnent des signales quand quelqu'un de pernicieux pour nous est près.

La Sécurité de l'état n'a pas réussi à nous enlever la solidarité des gens, cela est l'épine qu'ils ont coincé dans la gorge et c'est pourquoi ils ne m'ont pas laissé vivre en paix. J'ai toujours été persécutée, jamais j'ai eu un moment de tranquillité. Ici, à Pinar del Rio, par exemple, quand je commence à travailler dans un lieu, toujours la même chose arrive, au début personne ne dit rien, mais plus tard, lorsque nous nous connaissons mieux, les gens m'avouent: Docteur, je dois vous dire, avant de votre arrivée la Sécurité était ici et nous a dit que nous avions à faire rapport de tout ce que vous faisiez, le temps d'arrivée et de départ.

Ils ont appelé mes parents et ont insisté pour qu'ils me demandent de retourner, ils lui dissent qu'ils vont me donner un emploi, que je vais être situé dans la capitale provinciale, que rien ne m'arrivera ... même ça ils ont osé dire.

(Fin de la première partie de l'interview)

Traducteur: Denis

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