Tuesday, June 8, 2010

L'Ennemi



Photo: Claudio Fuentes Madan

Je me souviens encore, bien que j'étais une petite fille, des boîtes de conserve et du savon que ma mère conservais dans un panier métallique russe, avec l’objectif de nous préparer avant l'intervention militaire nord-américaine. Cela s'appelait "État d'Alerte Rouge", si ma mémoire ne me fait pas défaut, et parfois il y avait des exercice sur la façon de se protéger, auxquels - heureusement - je ne participais pas. Selon mon père, nous devions nous cacher, ma mère et moi, dans les caves des bâtiments et y attendre la fin de la guerre.

L'image était effroyable, aggravée par le fait qu’à cinq ans je ne comprenais pas la différence entre "la préparation de l'essai éternelle pour la défense" et "la confrontation armée imminente". Je croyais –en fait, je l'ai cru pendant de nombreuses années- qu'un jour j'aurais à me cacher des militaires nord-américains qui essaieraient de me tuer avec des mitraillettes.

Plusieurs fois, j'ai dit au revoir à mes jouets avec des larmes dans les yeux et j'ai lu, vers l'âge de huit ans, le journal d'Anne Frank, pour que l'exemple de cette brave fille me donne la force pendant que je jouais à survivre dans l'obscurité.

Au lycée, j'ai découvert le mensonge, j'ai été tellement vexé que je n'ai jamais rien dit à personne. Comment ont-ils pu nous terroriser ainsi pour le plaisir? À Cuba il y a une expression pour cela: elle veut dire que l'on s'est fait avoir, moi et toute ma famille: même au milieu de la période spéciale, ma mère souffrait quand elle devait ouvrir une de ces boîtes soviétiques qui allaient nous sauver de la famine sous les bombardements.

Le pire, c'est que le discours officiel n'a pas trop évolué depuis: il y a encore les stupides classes de la PMI (Préparation militaire intégrée) à l'école secondaire, avant d’avoir seize ans les adolescents sont déjà capables de ramper au sol dans le style "des soldats des forces spéciales" jusqu’à une tranchée et tirer avec un fusil de chase; de même, ils savent par cœur ce qu'il faut faire quand on est dans la folle "Alerte Rouge". Cependant, quelque chose a changé en nous (les adultes) et aussi en eux: ma mère ne garde pas de boîtes (sauf pour les ouragans), mes amis n’ont pas peur de sortir en courant avec leurs enfants dans un sous-sol pour se protéger des balles, le professeur de PMI n'est plus aussi exigeant (il sait que nous ne serons jamais derrière une vraie tranchée) et les jeunes enfants du primaire ne craignent pas d’être un jour Anne Frank.

Traducteur: Denis

1 comment:

laure said...

Bonjour Claudia, si tu as ce message saches que désormais ton blog à dépassé ton ile pour l'Europe. Tu peux me contacter sur le mail suivant : lauri_sabel@hotmail.com. j'aimerai avoir ton avis.
Laure.